La Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) et ses partenaires dans les 16 pays d’Afrique de l’Ouest ont exprimé leurs profondes inquiétudes concernant la détérioration de l’environnement de la liberté d’expression en Afrique de l’Ouest, en particulier au Burkina Faso, au Mali et la région sahélienne.
Cet article a été initialement publié sur mfwa.org le 17 août 2022.
La Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) et ses partenaires dans les 16 pays d’Afrique de l’Ouest ont exprimé leurs profondes inquiétudes concernant la détérioration de l’environnement de la liberté d’expression en Afrique de l’Ouest, en particulier au Burkina Faso, au Mali et dans le reste de la région sahélienne.
Ces préoccupations ont été exprimées lors d’une réunion virtuelle tenue par les 16 organisations le 5 août 2022 afin de délibérer sur la situation dans ces deux pays et dans le reste de la région.
La sécurité des journalistes est devenue un sujet de grande préoccupation à la suite des récentes attaques terroristes au Burkina Faso et au Mali qui ont causé plus de 270 morts. Cette situation a contraint de nombreux journalistes à l’autocensure ou à l’abandon du métier.
Le terrorisme dans les deux pays et les mesures prises pour le contrer ont entraîné une compétition acharnée pour gagner l’empathie et l’allégeance de la population, tant de la part des insurgés que du gouvernement. Il en résulte une extrême sensibilité de chaque partie à l’égard des rapports produits par les médias. Par conséquent, chacune des parties a tendance à mettre la pression sur les journalistes afin de prévenir toute publication « défavorable » à son encontre.
Il existe, de ce fait, une autocensure généralisée sur le conflit. Les commentaires à propos du conflit sur les réseaux sociaux sont également fortement censurés, car les journalistes et la population, en général, craignent d’être ciblés comme étant pour ou contre le gouvernement, ce qui contribue au rétrécissement des espaces civiques dans les deux pays.
Alors que le professionnalisme exige que les professionnels des médias ne publient que des informations vérifiées, les journalistes du Burkina Faso et du Mali éprouvent des difficultés à vérifier de manière indépendante certains sujets, voire, contester les déclarations officielles liées à l’insurrection au risque d’être attaqués. Cette situation contribue à la prolifération de fausses informations.
Le cadre légal des deux pays ne présage rien de positif pour la pratique du journalisme. Pendant longtemps, le Mali n’a pas mis à jour ses lois sur les médias. Cela s’est traduit par l’utilisation de structures obsolètes pour réglementer l’industrie des médias, ainsi que par des décrets capricieux de l’armée qui a pris le pouvoir à deux reprises au cours des deux dernières années.
La situation du Burkina Faso est assez similaire à celle du Mali. Plusieurs décrets ont été adoptés pour restreindre les reportages sur le conflit dans le pays. Actuellement, le gouvernement burkinabé fait pression pour obtenir la prérogative de restreindre les libertés pendant un certain temps. Cette démarche a suscité des inquiétudes quant à d’éventuels abus et ingérences dans les différents secteurs, y compris celui des médias.
La condition précaire de la sécurité des journalistes dans les deux pays intervient à un moment où l’on assiste à une recrudescence des violations de la liberté d’expression et des droits des médias dans la région. Dans la quasi-totalité des pays de la région, les journalistes continuent de subir des représailles pour certains de leurs reportages. Cela se produit à la fois hors ligne et en ligne.
Parfois, ils sont arrêtés après avoir fait des reportages ou des commentaires sur une question. D’autres encore se voient infliger des amendes exorbitantes, tandis qu’une autre partie est surveillée.
En plus des arrestations et des détentions arbitraires par les forces de l’ordre, les brutes à la solde des partis politiques agressent de plus en plus les journalistes et s’attaquent aux médias physiquement mais aussi en ligne (sur les médias sociaux). Les menaces, intimidations et harcèlements contraignent certains journalistes et organes de presse à l’autocensure.
À la lumière de ce constant, la MFWA et ses organisations partenaires appellent la CEDEAO, l’Union africaine (UA) et la communauté internationale à intervenir de toute urgence auprès des gouvernements du Burkina Faso et du Mali, pour d’abord fournir les ressources et l’assistance technique nécessaires à la stabilisation et à l’avancement de la gouvernance démocratique, puis à la lutte contre les insurgés. Le même soutien devrait être étendu à d’autres pays de la région sahélienne et du reste de l’Afrique de l’Ouest où des attaques similaires ont été enregistrées.
De notre côté, la MFWA et ses organisations partenaires prévoient de s’engager davantage dans ces pays, notamment en entreprenant un voyage de mission pour engager et renforcer les capacités des acteurs des médias dans les deux pays. Nous prévoyons également de renforcer les capacités des journalistes et des maisons de presse en matière de reportage sensible aux conflits et de mesures de sûreté et de sécurité à adopter dans un environnement aussi hostile.
Nous encourageons tous les acteurs à soutenir les efforts pour créer un environnement favorable à la pratique du journalisme dans les deux pays, afin que les médias puissent contribuer de manière constructive aux processus de démocratisation des deux pays.
Ce communiqué est publié conjointement par :
Media Foundation for West Africa (MFWA) – Ghana
International Press Centre (IPC) – Nigeria
Association Guinéenne des éditeurs de la Presse Indépendante (AGEPI) – Guinea
Regroupement de la Presse Mauritanienne (RPM) – Mauritania
Observatoire de la Liberté de la Presse, de l’Ethique et de la Déontologie (OLPED) – Côte d’Ivoire
Gambia Press Union (GPU) – The Gambia
Observatoire de la Déontologie et de l’Ethique dans les Medias (ODEM) – Benin
Syndicat des Professionnels de l’Information et de la Communication du Sénégal (SYNPICS) – Senegal
Media Reform Coordinating Group (MRCG-SL) – Sierra Leone
Sindicato De Jornalistas e Tecnicos De Comunicacao Social Guinea Bissau (SINJOTECS) – Guinea Bissau
Union des Journalistes Indépendants du Togo (UJIT) – Togo
Centre National de Presse – Norbert Zongo (CNP-NZ) – Burkina Faso
Centre for Media Studies and Peace Building (CEMESP) – Liberia
Maison de la Presse – Mali
Observatoire Nigérien Indépendant des Médias pour l’Ethique et la Déontologie (ONIMED) – Niger
Associação dos Jornalistas Cabo-verdianos (AJOC) – Cape Verde