(RSF/IFEX) – Le 12 mars 2003, la Cour constitutionnelle a jugé que, dans les affaires « graves », le juge d’instruction pouvait autoriser la police à retracer les communications téléphoniques des journalistes. RSF s’inquiète de cette décision qui représente un véritable danger pour la liberté de la presse, ainsi qu’une tendance préoccupante au sein de l’Union européenne. […]
(RSF/IFEX) – Le 12 mars 2003, la Cour constitutionnelle a jugé que, dans les affaires « graves », le juge d’instruction pouvait autoriser la police à retracer les communications téléphoniques des journalistes. RSF s’inquiète de cette décision qui représente un véritable danger pour la liberté de la presse, ainsi qu’une tendance préoccupante au sein de l’Union européenne.
« L’absence de définition précise concernant les cas considérés comme « graves » laisse la place à une interprétation dangereuse de la loi et à une réelle remise en question du métier de journaliste d’investigation. Les journalistes ne sont pas des auxiliaires de justice. Or si à tout moment ils peuvent être surveillés, et leurs sources démasquées et arrêtées, ils ne pourront plus révéler certaines informations – parfois à l’origine d’enquêtes judiciaires – qui ne peuvent être obtenues de leurs informateurs que grâce à une contrepartie de discrétion. Ils pourraient même en subir personnellement les conséquences et voir leur sécurité menacée », a déclaré Robert Ménard, secrétaire géneral de RSF, dans un courrier adressé à Brigitte Zypries, ministre de la Justice. « La moindre des précautions serait de définir précisément quels cas peuvent être qualifiés de « graves » et de permettre un réel débat public et parlementaire sur ce sujet », a ajouté Ménard.
La plus haute juridiction allemande a évalué dans un arrêt que la surveillance des moyens de télécommunications ne constituait pas une violation des articles 10 et 19 de la Constitution, qui garantissent la confidentialité de l’information, dans le cas où un journaliste serait soupçonné d’être en contact avec un criminel, par le biais d’outils de télécommunication. Il reviendra au juge d’instruction d’évaluer, au cas par cas, si la liberté de la presse prévaut sur la lutte contre la criminalité.
Cette décision a été prise dans le cadre de deux recours formés par des journalistes allemands qui avaient porté plainte après avoir été mis sous surveillance par la police. En 1995, les conversations téléphoniques de Udo Frank et de Beate Thorn Bergmann, deux journalistes de ZDF, la deuxième chaîne de télévision publique allemande, qui enquêtaient sur Jürgen Schneider, un magnat allemand de l’immobilier, avaient été retracées sur un ordre du tribunal de grande instance de Francfort, ce qui avait permis d’arrêter ce dernier. Un des journalistes avait pourtant, de sa propre initiative, remis à la police fédérale la cassette d’une conversation téléphonique avec l’escroc, qui intéressait les enquêteurs. En 1997, le parquet de Francfort avait ordonné la surveillance téléphonique d’Edith Kohn, journaliste pour l’hebdomadaire « Stern », afin de retrouver la trace en France de Hans-Joachim Klein, un ancien membre du groupe terroriste Faction Armée rouge avec qui la journaliste était entrée en contact dans le cadre de son travail.