(RSF/IFEX) – Reporters sans frontières est sidérée par la démonstration de force de la police sénégalaise, qui a procédé, le 17 octobre 2005, à la fermeture de tous les relais dans le pays de la radio privée Sud FM, et proteste énergiquement contre l’interpellation de son personnel. « Cette opération de police, arbitraire et brutale, est […]
(RSF/IFEX) – Reporters sans frontières est sidérée par la démonstration de force de la police sénégalaise, qui a procédé, le 17 octobre 2005, à la fermeture de tous les relais dans le pays de la radio privée Sud FM, et proteste énergiquement contre l’interpellation de son personnel.
« Cette opération de police, arbitraire et brutale, est totalement inadmissible, a déclaré Reporters sans frontières. Le président Abdoulaye Wade doit comprendre que le spectacle donné aujourd’hui par les forces de l’ordre est indigne d’une démocratie. Le personnel de Sud FM doit être relâché immédiatement et les autorités doivent fournir des explications claires sur leurs intentions et le mécanisme légal qui a mené à cet épisode inquiétant. Que le gouvernement ait un litige à régler avec un média est une chose, mais rien ne peut justifier une descente de police et une telle opacité dans la procédure qui a conduit à la fermeture de Sud FM. »
Le 17 octobre 2005, vers 8h40, les locaux de Sud FM à Dakar ont été fermés de force par la police qui a procédé à l’arrestation de toutes les personnes se trouvant dans les bureaux et les studios. Les responsables du commissariat central de Dakar, où sont actuellement détenus les employés de Sud FM, n’ont pas souhaité s’exprimer sur cette arrestation lorsque Reporters sans frontières les a contactés. Dans la matinée, la police a également interpellé une équipe de la chaîne internationale TV5 qui s’était jointe aux curieux massés devant les locaux de Sud FM, rue Macodou Ndiaye, près du port de Dakar. La journaliste Mata Maïga et le cameraman Cheikh Sadibou Mané ont été relâchés peu de temps après. Le personnel de la station de Dakar n’a pas été autorisé à avoir le moindre contact avec l’extérieur depuis son arrestation. Selon l’AFP, au moins 19 personnes sont retenues au commissariat central de la capitale.
Aucune plainte n’a été déposée contre la station. Cependant, peu après cette arrestation, le ministre de l’Intérieur, Ousamane Ngom, a exigé l’arrêt de la diffusion d’une interview de Salif Sadio, l’un des chefs de la rébellion casamançaise qui combat par les armes le gouvernement central depuis le début des années 1980. Le ministre a déclaré sur Radio Futur Média (RFM) que Sud FM avait été fermée « conformément à la loi, pour atteinte à la sûreté de l’Etat ».
Dans le long entretien diffusé par Sud FM, le chef militaire du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC) déclarait notamment : « Je reviendrai à la maison après avoir chassé le Sénégal de Casamance. » Le refus des journalistes de remettre à la police l’enregistrement de l’interview du chef rebelle serait, selon un journaliste dakarois, à l’origine de la vague d’arrestations.
L’interview de Salif Sadio a été réalisée par Ibrahim Gassama, le chef de la station locale de Sud FM à Ziguinchor, en Casamance (Sud). Selon des confrères, celui-ci est également détenu par la police au commissariat central de la ville. L’interview du chef rebelle ayant été diffusée en simultané sur toutes les stations du groupe du pays, le chef de la station de Saint-Louis du Sénégal (Nord-Ouest) a lui aussi été convoqué, tandis que les cinq autres stations locales ont été fermées les unes après les autres dans la journée du 17 octobre. Seule la station de Banjul, capitale de la Gambie voisine, est toujours opérationnelle.
Sud FM est une chaîne indépendante qui fait partie des radios les plus écoutées au Sénégal. Elle appartient au groupe privé Sud Communication et diffuse depuis 1994.