Plusieurs journalistes ont été victimes de pressions ces dernières semaines et un site Internet a été mystérieusement bloqué.
(RSF/IFEX) – Reporters sans frontières exprime sa vive inquiétude face à la tension politique, toujours prégnante à Madagascar, qui rejaillit trop souvent sur les médias. Plusieurs journalistes ont été victimes de pressions ces dernières semaines, un site Internet a été mystérieusement bloqué et un journaliste a été détenu pendant deux semaines après avoir subi une interpellation musclée.
« Nous sommes inquiets du climat de défiance envers les journalistes qui règne actuellement à Madagascar. La tension politique ne peut excuser les procédés souvent choquants utilisés par les forces de l’ordre contre les professionnels des médias, notamment ceux d’opposition. Nous demandons au gouvernement d’Andry Rajoelina de mettre fin à ces pratiques, et d’apporter des signes d’apaisement ainsi que des preuves de son respect de la liberté de la presse », a déclaré l’organisation.
« Nous sommes cependant conscients que la crise politique que traverse l’île entraîne parfois des dérives de la part des médias, et nous réitérons notre appel à tous les journalistes malgaches en faveur d’un journalisme responsable, débarrassé des prises de position partisanes, et refusant les appels à la violence ou à la haine », a poursuivi Reporters sans frontières.
Le 25 juin 2009 à 15h (heure locale), à la veille de la fête de l’Indépendance, des membres du Comité national mixte d’enquête (CNME), munis d’un mandat de perquisition, se sont rendus au domicile de Roland Didier Ravohangiharison, directeur de la radio Fahazavana, proche de l’opposition. Pour le contraindre à se rendre, ce dernier n’étant pas sur place, les membres du CNME ont emmené sa femme à la brigade des recherches à Fiadanana où elle a passé la nuit, puis dans les locaux du CNME à Ambohibao, en périphérie de la capitale.
Roland Didier Ravohangiharison s’est finalement présenté au CNME de Fiadanana, le 27 juin. Le journaliste a subi plusieurs interrogatoires, pendant trois jours. Accusé de « financement des manifestations au Magro, complicité dans la fuite de Constant Raveloson et troubles à l’ordre public », le CNME n’a trouvé aucune preuve de sa culpabilité. Les poursuites ont été abandonnées.
Le 19 juin, Jeannot Ramambazafy, webjournaliste du site madagate.com, a reçu des menaces de mort répétées par téléphone. Il venait de publier, trois jours plus tôt, un article illustré de photos des militants de l’ancien président Marc Ravalomanana qui avaient provoqué des troubles à l’ambassade de Madagascar à Paris. Grâce au numéro de téléphone, le journaliste a réussi à identifier l’un des auteurs de ces menaces, d’origine malgache, résidant en banlieue parisienne.
Par ailleurs, le site internet Topmada a été partiellement bloqué ces dernières semaines pour des raisons encore inconnues. Finalement, le site marque une « pause » et laisse le message suivant aux internautes: « L’aventure Topmada fait une pause pour une durée indéfinie dans l’attente d’une réconciliation nationale durable pour un avenir meilleur. Rassurez-vous, le site restera néanmoins accessible, mais en lecture seule. »
Rappelons également qu’Evariste Ramanantsoavina, journaliste à Radio Mada, a été interpellé à son domicile par un groupe de militaires cagoulés, le 5 mai, à 5h du matin. Ces derniers l’ont forcé à révéler l’endroit depuis lequel Radio Mada émettait clandestinement, puis se sont rendus sur les lieux pour confisquer les équipements et démonter l’émetteur. Le journaliste a ensuite été détenu pendant deux semaines.
Entre décembre 2008 et mars 2009, Madagascar a vu s’affronter politiquement le président Marc Ravalomanana et son principal opposant, le maire d’Antananarivo, Andry Rajoelina. Le chef de l’Etat a finalement démissionné le 17 mars, et Andry Rajoelina, soutenu par l’armée, a alors mis en place la Haute Autorité de Transition. Des assises régionales se tiennent en ce moment et ont pour but de procéder à un changement de la Constitution.