Le fournisseur d'accès Eircom est le premier à instaurer en Europe le système de riposte graduée pour lutter contre le téléchargement illégal.
(RSF/IFEX) – Depuis le 24 mai 2010, le fournisseur d’accès irlandais, Eircom, est le premier à instaurer en Europe, de sa propre volonté, le système de riposte graduée pour lutter contre le téléchargement illégal, suite à un accord avec l’IRMA (the Irish Recorded Music Association) qui représente 55 membres dont Sony, Universal, EMI et Warner.
Reporters sans frontières s’inquiète de cette décision motivée par des raisons économiques sans aucune légitimité juridique. « La tendance actuelle est de mettre les fournisseurs d’accès Internet au cœur du contrôle de la lutte contre le téléchargement illégal. C’est aussi le cas dans le cadre de l’ACTA, le traité anti-contrefaçon actuellement en discussion. Ces initiatives désastreuses amènent le fournisseur d’accès à jouer la police sur Internet. De manière arbitraire, en faisant fi des droits de la défense et de la présomption d’innocence, il décide seul et unilatéralement l’interruption de l’accès à Internet, droit pourtant fondamental. Eircom a mis en place ce projet pilote pour éviter des sanctions juridiques, cédant sous la pression des ayants droit irlandais qui l’avaient poursuivi en justice au sujet de son inaction face au téléchargement illégal ».
L’IRMA, par l’intermédiaire d’une solution de filtrage développée par DtecNet, s’occupe de relever les adresses IP des utilisateurs de Peer to Peer (P2P) qui partagent et téléchargent des contenus illégaux. Elle transmet ces informations à Eircom qui se chargera d’identifier et de contacter les suspects.
Les individus seront contactés deux fois, par téléphone, par courrier, ou par Internet s’ils sont suspectés de télécharger des contenus illégaux. S’ils se font repérer à nouveau ils recevront un courrier. A la troisième alerte, leur ligne Internet sera suspendue pendant une semaine. Quant à la quatrième fois qu’ils seront pris en flagrant délit, leur ligne sera coupée durant un an.
L’équivalent irlandais de la CNIL, the Data Protection Commissioner a contesté le mécanisme en justice mais la Haute Cour de Dublin a jugé que la collecte d’adresses IP n’était pas une violation de l’accord contractuel de l’abonné, l’adresse n’étant pas assimilée à une donnée personnelle.
Eircom a expliqué cette décision par la volonté « d’aider les consommateurs à comprendre les problèmes du partage des fichiers de droits d’auteurs illégaux ». Cette mesure apparaît économiquement suicidaire pour Eircom si les autres fournisseurs d’accès Internet ne mettent pas en place les mêmes mesures.
Pour UPC, le fournisseur d’accès concurrent, il n’y a pas de base légale au droit de la collecte des adresses IP et de la suspension de l’accès à Internet de ses clients. Le 23 mai, un porte-parole de l’entreprise a confirmé son refus d’instaurer des mesures similaires. UPC est lui aussi poursuivi par l’IRMA. Son procès aura lieu le 17 juin prochain.
En France la loi Hadopi prévoit également la mise en place d’un dispositif de riposte graduée, mais avec intervention judiciaire.