(RSF/IFEX) – RSF proteste énergiquement contre le « traitement très spécial » réservé par les services de sécurité soudanais au quotidien anglophone « Khartoum Monitor » depuis le 21 mai 2005. « La signature des accords de paix au Soudan ne doit pas masquer une situation très difficile pour les journalistes de Khartoum, a déclaré RSF. La sécurité d’Etat surveille […]
(RSF/IFEX) – RSF proteste énergiquement contre le « traitement très spécial » réservé par les services de sécurité soudanais au quotidien anglophone « Khartoum Monitor » depuis le 21 mai 2005.
« La signature des accords de paix au Soudan ne doit pas masquer une situation très difficile pour les journalistes de Khartoum, a déclaré RSF. La sécurité d’Etat surveille et censure les médias privés. Aujourd’hui, c’est au tour du « Khartoum Monitor » de subir un traitement très spécial. Les autorités soudanaises, si elles veulent être crédibles dans leur volonté de restaurer la paix et de bâtir une démocratie, doivent commencer par faire respecter leur propre loi et les traités qu’elles ont signés en cessant d’envoyer la police dans les rédactions. Si la communauté internationale, dans ses efforts pour mettre fin aux massacres qui endeuillent le pays, oubliait en chemin les journalistes soudanais, on serait en droit d’affirmer que la paix n’est pas réellement revenue ».
Dans la nuit du 20 au 21 mai, des agents de la sécurité d’Etat ont fait irruption à l’imprimerie du quotidien anglophone « Khartoum Monitor », ordonnant le retrait de l’éditorial et de l’article paraissant en une. Ce dernier reprenait une dépêche de l’agence Reuters relatant les émeutes du 18 mai dans le camp de déplacés internes de Soba Aradi, dans le sud de la capitale, au cours desquelles six civils, dont un bébé et un adolescent, et 14 policiers avaient trouvé la mort. Des affrontements armés avaient éclaté lorsque la police avait tenté de « délocaliser » par la force les habitants du camp, principalement originaires du Darfour et du Sud-Soudan, conformément à un vaste plan gouvernemental de réorganisation des structures d’accueil des centaines de milliers de réfugiés dans l’Etat de Khartoum. En représailles à l’usage de gaz lacrymogènes et de tirs à balles réelles, les réfugiés auraient attaqué le commissariat de police.
Devant le refus de l’équipe dirigeante du « Khartoum Monitor » de procéder au retrait ou au remplacement de son éditorial et du reportage, la police lui a signifié, vers 3 heures du matin (heure locale), la suspension de l’édition du jour. Selon William Ezechiel, le rédacteur en chef en exercice du quotidien, cette suspension représente 6 millions de livres soudanaises (environ 25 140 $US ; 20 000 euros) de perte en publicités et recettes directes.
Le lendemain, des agents de la sécurité d’Etat se sont de nouveau présentés au siège du « Khartoum Monitor » pour examiner le contenu de l’édition du 22 mai. Les services de sécurité ont signifié à l’équipe dirigeante que ses agents se présenteraient tous les soirs à l’imprimerie du journal, afin de vérifier que l’édition en préparation ne contiendrait aucun article « dépassant la ligne rouge ».
« Nous suivons le journal, mais il n’y a pas de censure, a expliqué une source anonyme au sein de la sécurité d’Etat, citée par l’agence Reuters. Nous parlons au téléphone avec eux, parce qu’il y a quelques sujets que nous leur demandons de traiter avec responsabilité ».
Le Soudan vit encore sous le régime de l’état d’urgence, ce qui entraîne la suspension de nombreuses libertés civiles. Le « Khartoum Monitor », connu pour prendre la défense des populations du Sud, a déjà fait l’objet de mesures coercitives par le passé, comme de nombreux journalistes et publications du pays. Ainsi, le quotidien arabophone « Al Adwaa » avait dû retirer, dans son édition du 12 mai, un article critiquant le maintien de l’état d’urgence et le comportement de la sécurité d’Etat.