Un juge de la Haute Cour de Lahore a demandé au gouvernement de mettre en place un système permettant de bloquer de manière plus ciblée l'accès à des sites ou à des pages jugés blasphématoires.
(RSF/IFEX) – La Haute Cour de Lahore, au Pakistan, a autorisé, le 31 mai 2010, l’accès à Facebook, bloqué depuis le 19 mai à cause du concours de caricatures organisé sur le réseau social et intitulé « La journée des dessins de Mahomet ». Reporters sans frontières a pu confirmer que Facebook est à nouveau accessible dans le pays. Le juge a demandé au gouvernement de mettre en place un système permettant de bloquer de manière plus ciblée l’accès à des sites ou à des pages jugés blasphématoires.
Reporters sans frontières se félicite de la fin du blocage de Facebook mais s’inquiète de la persistance de poursuites judiciaires contre le réseau social et de la mise en place potentielle d’un système de filtrage du Net qui, au nom de la lutte contre le blasphème, risquerait de porter un coup à la liberté d’expression dans le pays.
Le juge pakistanais Ejaz Ahmed Chaudhry a autorisé les autorités à rétablir l’accès à Facebook après que des membres du gouvernement ont assuré que le problème du blasphème avait été soulevé avec la direction de Facebook et les autorités américaines. Ibadul Haq, un journaliste de la BBC qui couvrait l’audience à Lahore, a déclaré à Reporters sans frontières que « le procureur général adjoint, Naveed Inayat Malik, et Mudassir Hussain, du ministère de l’Information et de la Technologie, ont expliqué au tribunal que la question avait été évoquée avec la direction de Facebook et l’envoyé spécial du gouvernement américain au Pakistan et en Afghanistan, Richard Holbrooke ». Les autorités pakistanaises leur auraient expliqué qu’il s’agissait d’un « crime » au Pakistan, et que le site doit respecter les injonctions de la cour au sujet de son contenu blasphématoire. La page Facebook qui hébergeait le concours de caricatures a disparu du site, visiblement supprimée par son auteur.
Des avocats représentant le « mouvement des avocats islamiques » avaient demandé l’interdiction permanente de Facebook. Le juge a estimé que cela n’était pas nécessaire mais a précisé qu’ils pouvaient poursuivre les autorités en cas de maintien du contenu blasphématoire sur le site.
Un autre avocat, Azhar Siddiq, a déposé un recours pour que des poursuites criminelles soient engagées contre Facebook en vertu de l’article 295 [C] de la loi sur le blasphème, qui prévoit la peine de mort. La Haute Cour de Lahore en a informé les autorités et examinera le cas le 15 juin prochain. L’avocat a également estimé que le gouvernement devrait porter l’affaire devant la Cour internationale de Justice et les Nations unies.
Par ailleurs, l’organisation déplore la contagion de ce type de censure à des pays voisins. « Après le Pakistan, c’est au tour du Bangladesh de rendre Facebook inaccessible, pour des raisons religieuses et politiques. Nous demandons aux autorités de faire machine arrière et de débloquer l’accès à Facebook au plus vite », a déclaré l’organisation.
Facebook est bloqué au Bangladesh depuis le 29 mai 2010. D’après des sources officielles, cette décision serait temporaire, jusqu’à ce que le contenu jugé « offensant » soit rendu inaccessible par les fournisseurs d’accès à Internet. Le blocage ferait suite à la publication de caricatures du prophète Mahomet et d’images « choquantes » des dirigeants du pays, notamment du père de la nation, Cheikh Mujibur Rahman, du Premier ministre Cheikh Hasina, et du leader de l’opposition.
Selon la Commission de régulation des télécommunications du Bangladesh, la BTRC, Facebook aurait « blessé les sentiments religieux de la majorité musulmane de la population ». Un jeune homme, Mahbub Alam Rodin, accusé « d’insulter les dirigeants du pays » en raison de ses activités sur Facebook, a été arrêté.
Près d’un million de personnes utilisent Facebook dans le pays d’après l’Association des fournisseurs d’accès à Internet du Bangladesh.