Le 12 septembre, une vingtaine de militaires ont fait irruption dans le Centre de Presse de l'Union des journalistes du Nigeria. Ils ont brutalisé certains des journalistes présents, et confisqué ou détruit leurs matériels de reportage.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 14 septembre 2017.
Reporters sans frontières (RSF) dénonce la violente intrusion de militaires nigérians au sein du centre de presse de l’État d’Abia. L’organisation appelle le gouvernement central à envoyer un message fort pour que cessent les exactions et les violences commises contre les journalistes et pour que leur travail soit respecté au sein de chaque État du pays.
Le 12 septembre, une vingtaine de militaires ont fait irruption dans le Centre de Presse de l’Union des journalistes du Nigeria, à Umuahia, capitale de l’Etat d’Abia dans le sud-est du pays. Ils ont brutalisé certains des journalistes présents, et confisqué ou détruit leurs matériels de reportage: leur enregistrements ainsi que leurs téléphones et ordinateurs.
Les journalistes agressés venaient de couvrir l’arrivée dans les rues de militaires nigérians, dans le cadre de l’opération « Danse du Python ». Les soldats s’étaient déployés en nombre avec l’objectif de mettre un terme aux incidents qui avaient opposé, les jours précédents, l’armée à des militants du mouvement indépendantiste biafrais, Indigenous People of Biafra (IPOB). Ces derniers protestaient contre l’intrusion de l’armée au domicile de leur dirigeant quelques jours plus tôt.
Pour le président de la branche locale du Syndicat des Journalistes nigérians, John Emejor, cette attaque est symptomatique d’une évolution dictatoriale du régime. Par ailleurs, il pointe du doigt l’absurdité de détruire des informations qui relayaient justement le message que souhaitait faire passer l’armée, c’est-à-dire montrer sa force et sa capacité de frapper.
Quelques heures après l’incident, les autorités militaires locales se sont rendues, dans la soirée, au centre de presse pour présenter leurs excuses et assurer que les soldats responsables seraient identifiés et sanctionnés.
« C’est une bonne chose que les militaires assument leurs responsabilités, mais cet événement démontre néanmoins qu’il existe un réel problème sur la perception même du métier de journaliste au Nigéria, estime Clea Kahn-Sriber, responsable du bureau Afrique de RSF. Les journalistes sont régulièrement empêchés de faire leur travail et souvent violentés par les forces de sécurité ou de renseignement. Plutôt que de réagir à posteriori, le gouvernement nigérian devrait faire des efforts pour former ses forces de sécurité au rôle social du journaliste et développer des relations fluides entre ces deux groupes essentiels à un Etat de droit. »
Au moins trois cas d’agression ont été répertoriés depuis le début du mois. Le 1er septembre, Segun Salami, un journaliste de Channels Television a été agressé par les officiers de sécurité du bureau provincial de l’Etat de Kogi (Centre du Nigéria) qui le soupçonnaient d’avoir enregistré leurs propos. Il a dû être hospitalisé. Le 11 septembre, deux autres journalistes, Timothy Agbor du The Point Newspapers and Toba Adedeji qui travaille pour le Osun Defender, ont été battus par des agents des services de renseignements du Nigeria, le Directorate of State Services (DSS) à Oshogbo, dans le Sud Ouest du Nigéria, alors qu’ils couvraient une manifestation des fonctionnaires de l’Etat.
Depuis le début de l’année 2017, RSF a recensé 53 cas d’exactions contre les journalistes dont 20 interpellations et 23 cas de menaces ou agressions physiques.
Le Nigéria occupe la 122ème place sur 180 pays dans l’édition 2017 du Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF.