« Les journalistes doivent pouvoir fournir librement des informations sur les développements politiques en Afrique de l’Ouest, tels que les réponses régionales au coup d’État au Niger, sans crainte de représailles » - CPJ
Cet article a été initialement publié sur cpj.org le 15 août 2023.
Les autorités du Bénin et du Burkina Faso doivent immédiatement lever leurs suspensions respectives de La Gazette du Golfe et de Radio Oméga, et permettre aux médias de couvrir sans crainte l’actualité politique régionale, y compris le coup d’État au Niger, a déclaré mardi le Comité pour la protection des journalistes.
Le 8 août, la Haute Autorité de l’audiovisuel et de la communication (HAAC) du Bénin, qui réglemente le secteur des communications du pays, a suspendu indéfiniment les activités du groupe de presse privé La Gazette du Golfe, y compris ses chaînes de télévision, de radio, sa presse écrite et en ligne, selon une copie de la décision et deux membres du personnel du groupe qui se sont entretenus avec le CPJ sous couvert d’anonymat pour des raisons de sécurité.
Par ailleurs, le 10 août, le Burkina Faso a suspendu « jusqu’à nouvel ordre » la chaîne privée Radio Oméga, selon un communiqué du service d’information du gouvernement et un membre du personnel de la chaine qui s’est entretenu avec le CPJ sous couvert d’anonymat, invoquant des raisons de sécurité.
Les deux suspensions découlent de la couverture par les médias du récent coup d’État au Niger.
« Les autorités du Bénin doivent annuler la suspension de La Gazette du Golfe et les autorités du Burkina Faso doivent également lever immédiatement la suspension de Radio Oméga », a déclaré Angela Quintal, coordinatrice du programme Afrique du CPJ, à Durban, en Afrique du Sud. « Les journalistes doivent pouvoir fournir librement des informations sur les développements politiques en Afrique de l’Ouest, tels que les réponses régionales au coup d’État au Niger, sans crainte de représailles. »
Dans sa décision, la HAAC a accusé La Gazette du Golfe de ne pas respecter le communiqué de l’autorité de régulation publié le 3 août invitant les médias au « respect scrupuleux des dispositions constitutionnelles et légales » dans le traitement de l’information relative à l’apologie des coups d’État en Afrique et dans la région.
Contacté via une application de messagerie, le secrétaire général de la HAAC, Julien Pierre Akpaki, a déclaré qu’il voyageait et ne pouvait pas répondre aux questions car il ne disposait pas d’une connexion Internet fiable. Un autre représentant de la HAAC a déclaré au CPJ par téléphone que la suspension de La Gazette du Golfe était liée à une rubrique de son émission du 8 août critiquant une éventuelle intervention militaire au Niger par les États voisins. Ce représentant a demandé à conserver l’anonymat car il n’était pas autorisé à faire des commentaires publics.
Le Bénin a proposé de fournir des troupes si la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest utilisait la force militaire pour restaurer au pouvoir le président nigérien Mohamed Bazoum, évincé par des soldats le 26 juillet. Les nouveaux dirigeants militaires du Niger ont déclaré lundi qu’ils envisageaient de poursuivre Bazoum pour trahison.
Le service officiel d’information du gouvernement du Burkina Faso a déclaré que les autorités avaient suspendu Radio Oméga suite à l’interview du 10 août d’Ousmane Abdoul Moumouni, porte-parole du Conseil de résistance pour la République du Niger, créé pour réintégrer Bazoum à son poste. Le communiqué décrit l’interview de Moumouni comme « émaillé de propos injurieux à l’encontre des nouvelles autorités nigériennes ».
Le Burkina Faso, qui a connu deux coups d’État en 2022, a averti qu’il considérerait également toute intervention militaire visant à rétablir Bazoum au pouvoir comme « une déclaration de guerre » à son encontre.
Radio Oméga a déclaré dans un communiqué que la direction de la Sûreté de l’État de la police avait convoqué et interrogé son rédacteur en chef, Abdoul Fhatave Tiemtoré, le 11 août au sujet de son interview avec Moumouni. La police a détenu Tiemtoré pendant plusieurs heures avant de le laisser repartir.
Radio Oméga a condamné cette suspension qu’elle juge « injuste et sans fondement » et a déclaré que la décision faisait suite à « de nombreuses menaces de mort » à l’endroit de son personnel de la part de personnes se présentant comme des soutiens du gouvernement du Burkina Faso et appelant à la suspension de la chaîne.
Le CPJ a documenté par le passé les menaces proférées par des partisans du gouvernement contre le journaliste de Radio Oméga Lamine Traoré pour sa couverture d’une réunion entre le chef militaire burkinabé Ibrahim Traoré et des organisations de la société civile.
Le CPJ n’a reçu aucune réponse aux appels téléphoniques et aux courriels envoyés au porte-parole du gouvernement du Burkina Faso, ni aux SMS envoyés à Fidèle Tamini, secrétaire général du ministère de la Communication du Burkina Faso.