Selon un témoin, l'attaque a été préméditée.
(RSF/IFEX) – Reporters sans frontières exprime son effroi et sa révolte suite à la sauvage agression dont a été victime Oleg Kashin, célèbre journaliste du quotidien « Kommersant », près de son domicile à Moscou dans la nuit du vendredi 5 au samedi 6 novembre 2010. Oleg Kashin, qui souffre de multiples fractures, à la mâchoire et aux jambes, d’une commotion cérébrale et d’un détachement des phalanges, a dû subir une intervention chirurgicale d’urgence. Il a été placé dans un coma artificiel.
« Le président Medvedev semble prendre l’affaire au sérieux en déclarant que ‘les criminels [devaient] être retrouvés et punis’. Nous le prenons au mot. Nous enjoignons les autorités à mettre en place les conditions nécessaires pour que la justice fasse son travail, en toute indépendance, et apporte des résultats, a déclaré Jean-François Julliard, secrétaire général de Reporters sans frontières. La culture de l’impunité a trop longtemps prévalu. Depuis le début des années 2000, jamais aucune violence contre des journalistes n’a été élucidée. Il y a un mois, nous commémorions la mémoire d’Anna Politkovskaïa, faisant le triste constat que l’enquête sur son meurtre n’avait amené à rien. Nous attendons que la déclaration faite par le président se transforme en action. Nous attendons les signes d’une vraie volonté politique pour instaurer le respect et la défense de la presse indépendante. Cela doit commencer par amener devant les tribunaux les responsables de violences contre la presse. Cela doit commencer par la mise en place de l’Etat de droit. Oleg Kashin est certainement un des plus brillants et des plus courageux journalistes de sa génération. Toutes nos pensées vont à lui et à sa famille. »
Selon un témoin, l’attaque a été préméditée. Deux personnes attendaient le journaliste à la porte de sa maison et ont commencé à le battre avec un objet contondant, sans rien prendre de ses biens – de l’argent, des documents et un iPhone. Une procédure pénale pour tentative de meurtre a été ouverte par le parquet de Moscou, sous contrôle judiciaire du ministre de l’Intérieur, Rachid Nourgaliev.
Selon le rédacteur en chef de « Kommersant », Mikhaïl Mikhailin, cette agression est, sans aucun doute possible, liée aux activités professionnelles du journaliste. Le porte-parole de la commission d’enquête, Vladimir Markin, a confirmé que cette piste était prioritaire.
Oleg Kashin, l’un des journalistes les plus influents de « Kommersant », a écrit de nombreux articles sur la vie politique et sociale de son pays. Il s’est particulièrement intéressé aux mouvements d’opposition, comme Oborona et NBP, et aux mouvements de jeunes pro-Kremlin (Nashi, Molodaya Gvardia). Il avait récemment couvert la polémique autour de la forêt de Khimki et le bras de fer engagé entre les autorités soutenant le projet et les mouvements de défense de l’environnement. En milieu de semaine, un militant pour la protection de la forêt avait été attaqué à coups de battes de baseball à Khimki même.
Oleg Kashin a récemment été menacé par le mouvement pro-Kremlin de jeunesse, Molodaya Gvardia, qui sur son site Internet, a appelé à « punir » le reporter pour son interview de l’un des jeunes hommes impliqués dans le saccage de l’administration de la ville de Khimki. Aujourd’hui, le mouvement affirme son soutien au journaliste.
En 2008, Mikhaïl Beketov, rédacteur en chef du journal « Khimkinskaïa Pravda », lui aussi un des pourfendeurs de la corruption, et notamment des irrégularités qui entachent le projet d’autoroute de la forêt de Khimki, avait été attaqué dans des circonstances similaires. Il a perdu une jambe, l’usage des ses mains et souffre de troubles neurologiques irréversibles.
La Russie se trouve à la 140e place (sur 178 pays) du classement mondial de Reporters sans frontières sur la liberté de la presse en 2010.