(RSF/IFEX) – RSF exprime sa très vive inquiétude, un mois après la disparition du correspondant du quotidien « L’Inter » à Bouaké, la grande ville du centre de la Côte d’Ivoire et fief des Forces nouvelles (FN). Avant de disparaître, Amadou Dagnogo avait fait l’objet de menaces publiques proférées à son encontre par des responsables du mouvement […]
(RSF/IFEX) – RSF exprime sa très vive inquiétude, un mois après la disparition du correspondant du quotidien « L’Inter » à Bouaké, la grande ville du centre de la Côte d’Ivoire et fief des Forces nouvelles (FN). Avant de disparaître, Amadou Dagnogo avait fait l’objet de menaces publiques proférées à son encontre par des responsables du mouvement politico-militaire qui contrôle le nord du pays.
« Quoi qu’il soit arrivé à Amadou Dagnogo, souligne RSF, le vocabulaire menaçant utilisé par les responsables des FN est inadmissible. Sans accuser personne, nous demandons néanmoins à ceux-ci des explications sur les intimidations dont a fait l’objet ce journaliste, lequel n’a jamais versé dans les appels à la haine si fréquents en Côte d’Ivoire. De plus, si les FN détiennent des informations sur le sort de Amadou Dagnogo, nous demandons qu’ils les fassent connaître. Les professionnels de la presse doivent pouvoir travailler en sécurité sur l’ensemble du territoire ivoirien ».
Dagnogo n’a plus donné signe de vie depuis le 28 août 2004. Ses affaires se trouvent encore à son domicile et aucun de ses proches à Bouaké n’a eu de nouvelles de lui depuis cette date, selon un témoignage recueilli sur place par RSF. Dans les jours précédant sa disparition, le journaliste avait prévenu sa rédaction qu’il craignait pour sa sécurité et qu’il avait notamment « échappé à un guet-apens » tendu par deux hommes en civil qui avaient cherché à l’arrêter. Selon le témoignage de Charles d’Almeida, rédacteur en chef de « L’Inter », Dagnogo avait par la suite été convoqué au quartier général des FN, où il avait été prévenu verbalement que « les écrits de son journal mettaient sa vie en danger ».
RSF est d’autant plus troublée que la disparition du journaliste est survenue quelques jours après que le directeur de la communication des FN avait, en des termes ambigus, officiellement refusé d’autoriser la réalisation d’un reportage de « L’Inter » à Bouaké et Korhogo (nord). « Cette décision est la conséquence du jeu trouble de votre journal, qui, depuis quelques mois, diffuse des informations fausses, désinforme les Ivoiriens et se complaît dans un jeu malsain de journalisme fiction, au mépris de la sécurité de ses correspondants résidant à Bouaké et à Korhogo », expliquait le courrier de l’adjudant Antoine Beugré daté du 24 août.
Le correspondant de « L’Inter » avait rendu compte des dissensions dans les rangs des ex-rebelles, notamment du divorce politique entre le sergent-chef Ibrahim Coulibaly et le secrétaire général des FN, Guillaume Soro, qui assume également les fonctions de ministre de la Communication. Dans un article du 14 juillet, Dagnogo faisait également état des menaces proférées publiquement par le maire de Kani, Meité Yaya, envers ceux qui cherchaient à « diviser le Nord », conseillant aux chefs des FN de « faire exécuter systématiquement les brebis galeuses ».
Le climat d’hostilité que font peser les FN dans le nord du pays sur certains journalistes a empiré ces derniers mois. Dans un « éditorial » publié sur son site Internet, le Mouvement populaire ivoirien du Grand Ouest (MPIGO), l’une des composantes des FN, déclare même « zone interdite aux amateurs de la désinformation » le territoire qu’il contrôle, après avoir cité en exemple de ce bannissement le « refus poli » opposé au mois d’août à « L’Inter ».
Dagnogo avait été nommé début mai à Bouaké en remplacement de Baba Coulibaly. Ce dernier, désormais en poste à Abidjan, avait également reçu des menaces de responsables des FN, comme au moins trois journalistes en poste dans le nord du pays, interrogés dans le courant du mois de septembre par RSF.
Une source familiale a affirmé à un journaliste local que Dagnogo se serait réfugié au Mali. RSF n’a pas été en mesure de confirmer cette information.