"Tout journaliste d'un média d'État qui veut avoir la liberté d'écrire ou de parler a l'obligation de s'aligner sur le gouvernement, ou avoir l'honnêteté intellectuelle d'aller exercer ailleurs, dans un organe privé,” a indiqué le ministre.
(RSF/IFEX) – Le 11 avril 2012 – Reporters sans frontières est consternée par la décision du ministre de l’Intérieur des Comores, Ahamada Abdallah, de faire retirer des kiosques la dernière livraison du supplément magazine du quotidien d’Etat Al Watwan et de suspendre, par arrêté ministériel, son directeur général, Pétan Mouignihazi.
“Cette mesure traduit, chez le ministre de l’Intérieur, une perception archaïque et manichéenne du secteur de l’information, avec d’un côté une presse publique aux ordres, et de l’autre une presse privée où peuvent s’exprimer les opinions. Ahamada Abdallah devrait pourtant savoir que la presse publique n’est pas au service de l’Etat, mais du public. Or, les informations contenues dans le dossier incriminé sont d’intérêt général”, a déclaré l’organisation.
“Nous demandons au président Ikililou Dhoinine de déjuger son ministre de l’Intérieur et de réintégrer Pétan Mouignihazi à son poste, au nom de la liberté de la presse. L’image des Comores, et sa bonne place dans le classement de la liberté de la presse, en dépendent”, a ajouté Reporters sans frontières.
Nous rappelons que le chef de l’Etat avait, en janvier dernier, exhorté les journalistes à “s’engager dans le journalisme d’investigation” sur les malversations “qui gangrènent le pays”. Il avait assuré de “sa détermination à veiller à ce que durant (son) mandat, aucun journaliste ne soit privé de sa liberté pour ses opinions”.
Le ministre Abdallah a indiqué lors d’un point de presse : “Tout journaliste d’un média d’Etat qui veut avoir la liberté d’écrire ou de parler a l’obligation de s’aligner sur le gouvernement, ou avoir l’honnêteté intellectuelle d’aller exercer ailleurs, dans un organe privé. Le gouvernement n’a pas de leçon à recevoir d’Al Watwan”.
Le mensuel Al Watwan Magazine, supplément du quotidien Al Watwan, paru le 9 avril 2012, contenait un dossier intitulé “Finances publiques : entre désordre, gabegie et indécence”. Un extrait de l’un des articles incriminés, reproduit par l’Agence France-Presse (AFP), dénonce “des dérives mafieuses” au sein de l’administration financière.
“Les mêmes pratiques et procédures de dépenses dénoncées hier comme de graves dérives, à l’origine des accumulations structurelles des dettes, n’ont jamais été rectifiées. Le circuit de la dépense est “vicié”, ouvrant “naturellement la voie à tous les abus, les bénéficiaires des dysfonctionnements sont parfois des agents du circuit eux-même”, avec la complaisance du ministre des Finances “qui couvre” certaines de ces pratiques”, dénonce l’article.
Toujours selon l’AFP, le journal affirme, sur la foi d’un contrôleur financier, que la situation permet à l’Etat de “continuer à régler des factures pour des équipements non livrés et des travaux jamais réalisés”.