(RSF/IFEX) – « La condamnation d’un directeur de publication à une peine de prison, en vertu de l’inculpation rétrograde et liberticide d’outrage à magistrat, est un précédent dangereux pour l’indépendance de la presse du Bangladesh. Afin d’éviter de nouvelles condamnations, Reporters sans frontières demande l’abrogation de ce chef d’inculpation », a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de […]
(RSF/IFEX) – « La condamnation d’un directeur de publication à une peine de prison, en vertu de l’inculpation rétrograde et liberticide d’outrage à magistrat, est un précédent dangereux pour l’indépendance de la presse du Bangladesh. Afin d’éviter de nouvelles condamnations, Reporters sans frontières demande l’abrogation de ce chef d’inculpation », a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de l’organisation. Ainsi, dans une lettre adressée au ministre de la Justice, des Lois et des Affaires parlementaires, Moudud Ahmed, RSF s’est vivement inquiétée de la condamnation à un mois de prison du rédacteur en chef du quotidien « Manabzamin ». « Nous vous prions de bien vouloir entamer une réforme des lois du Bangladesh afin d’éliminer les peines de prison pour des délits de presse », a déclaré Ménard. L’organisation a rappelé que le rapporteur spécial des Nations unies pour le droit à la liberté d’opinion et d’expression a qualifié les peines de prison pour des délits d’opinion, de « sanctions disproportionnées » par rapport au préjudice subi.
Selon des informations recueillies par RSF, Matiur Rahman Chowdhury, directeur du journal « Dainik Manabzamin », a été condamné pour « outrage à la cour », le 20 mai 2002, à un mois de prison et deux mille takas (environ 35 $US ; 40 euros) d’amende par la Haute Cour du Bangladesh. L’épouse du journaliste et éditrice du journal, Mahbuba Chowdhury, a également été condamnée à une amende de deux mille takas. L’ancien président Hussain Mohammad Ershad a quant à lui été condamné à six mois de prison pour le même motif. Les trois accusés ont fait appel, ce qui suspend la peine. Les deux magistrats de la Haute Cour ont reproché au journaliste d’avoir publié des extraits d’une conversation téléphonique entre l’ancien Président et le président de la Cour suprême, Mohammad Latifur Rahman. Celui-ci l’avait enregistrée à l’insu de l’ancien dictateur qui tentait d’obtenir un jugement en sa faveur dans une affaire de corruption.
La Haute Cour a considéré que le directeur du « Dainik Manabzamin » avait outragé la cour en publiant une conversation, alors secrète, entre un homme politique et un magistrat. La cour dénonce une couverture sensationnaliste d’une affaire impliquant un magistrat de haut rang. Celui-ci avait démissionné suite à la parution des retranscriptions de ces conversations dans le « Dainik Manabzamin » et au moins trois autres quotidiens.
C’est la première fois depuis le retour de la démocratie, en 1990, qu’un directeur de publication est condamné à une peine de prison pour un délit de presse. Quinze éditeurs des principaux quotidiens du Bangladesh ont publié, le 22 mai, un communiqué dans lequel ils ont défendu l’indépendance de la presse et de la justice. Ils ont exprimé leur solidarité avec Chowdhury.