(RSF/IFEX) – A l’approche de la fin de l’enquête sur l’assassinat de Brian Peters et de ses quatre confrères à Balibo (Timor), le 16 octobre 1975, Reporters sans frontières s’adresse à la magistrate Dorelle Pinch afin qu’elle mette en oeuvre tous les mécanismes nationaux et internationaux de police et de justice afin d’appréhender les auteurs […]
(RSF/IFEX) – A l’approche de la fin de l’enquête sur l’assassinat de Brian Peters et de ses quatre confrères à Balibo (Timor), le 16 octobre 1975, Reporters sans frontières s’adresse à la magistrate Dorelle Pinch afin qu’elle mette en oeuvre tous les mécanismes nationaux et internationaux de police et de justice afin d’appréhender les auteurs de ce quintuple crime. Il nous semble également primordial que les responsabilités des officiels australiens dans cette affaire soient clairement établies.
« Suffisamment de preuves ont été réunies durant cette enquête pour affirmer que le gouvernement australien a, par son silence et ses demi-vérités, couvert l’assassinat de Brian Peters et ses collègues qui a précédé l’invasion du Timor oriental par l’armée indonésienne. Il est donc nécessaire, à présent, que ceux qui se sont tus pendant 32 ans cessent de couvrir les faux pas des diplomates et des officiels de l’époque. Nous demandons également à Dorelle Pinch que toutes les audiences restantes soient publiques », a affirmé Reporters sans frontières.
L’audience du 17 mai 2007 a été marquée par les interventions de plusieurs diplomates australiens en poste au moment des faits. Ainsi, James Dunn, ancien consul à Dili (Timor), a affirmé que dès son arrivée dans l’île, le 8 octobre 1975, un porte-parole du Fretilin l’avait informé de l’occupation de Batugade, proche de Balibo, par l’armée indonésienne. James Dunn a immédiatement contacté les journalistes afin de leur faire part du danger imminent. Peu de temps après leur mort, le consul s’est rendu à Canberra et a adressé une note au ministre des Affaires étrangères l’informant que « l’armée indonésienne était au courant de la présence des journalistes à Balibo et avait décidé de les tuer afin d’éviter la mise à nu du mensonge indonésien ».
Le 17 mai toujours, l’ancien chef du département des Affaires étrangères, Alan Renouf, a confirmé les propos de James Dunn et affirmé que « l’armée indonésienne avait de bonnes raisons de tuer les journalistes ». Il a également déclaré qu’il avait attendu 32 ans avant de pouvoir dire qu’il trouvait ce crime « révoltant, absolument inutile et terriblement cruel ». Alan Renouf a avoué – après lecture devant le juge de messages interceptés datant du 13 et du 15 octobre 1975 dans lesquels l’ambassadeur australien Richard Woolcott dressait le plan détaillé de l’invasion indonésienne – qu’il avait « certainement dû lire » ces notes. Alan Renouf a enfin avoué avoir appris la mort des journalistes moins de douze heures après les faits et avoir, tout de suite, averti le ministre des Affaires étrangères. Il a également accusé le Premier ministre de l’époque, Gough Whitlam, d’avoir donné « carte blanche » aux Indonésiens lors de leur invasion du Timor.
Le même jour, Richard Woolcott a expliqué qu’il était « évident que l’Indonésie comptait faire du Timor sa 27e province ». L’ex-ambassadeur a affirmé ne pas avoir été au courant de la présence des journalistes à Balibo et avoir appris leur assassinat le 17 octobre 1975 en écoutant la radio ABC et en avoir reçu la confirmation le 12 novembre 1975, lors d’un entretien avec le général Yogo, chef du Bakin, les services secrets indonésiens. Le général lui aurait alors remis quatre boîtes contenant les cendres des journalistes ainsi que quelques effets personnels.
Richard Woolcott a dit avoir organisé l’enterrement après avoir reçu « les accords des familles des victimes ». Cependant, une déclaration rédigée par Maureen Tolfree, la soeur de Brian Peters, lue le 18 mai 2007 devant la cour, confirme qu’aucune des familles n’avait donné son accord pour cette cérémonie à Jakarta. La soeur du reporter a ajouté avoir été détenue par des membres des services de sécurité indonésiens, interrogée puis renvoyée vers Londres, deux jours avant l’enterrement. La preuve a également été apportée devant la cour que la page du registre du cimetière de Jakarta où ont été enterrés les journalistes, le 12 décembre 1975, avait été déchirée.
L’audience du 14 mai 2007 aura été marquée par la lecture d’un document de l’Australian Department of Foreign Affairs and Trade (DFAT), intitulé: « Mort de journalistes à Balibo », dont le dernier chapitre est entièrement consacré au meurtre de Roger East, reporter de l’agence Australian Associated Press, à Dili, le 7 décembre 1975. Ce rapport établit une causalité directe entre la mort des cinq journalistes à Balibo et celle de Roger East. Ce dernier s’était rendu au Timor afin d’enquêter sur la mort de ses confrères. Reporters sans frontières demande à la justice australienne, notamment du Territoire du Nord, de rouvrir l’enquête sur le meurtre de Roger East.