« Les autorités camerounaises devraient abandonner leurs poursuites à l’encontre du journaliste Malcolm Barnabé Paho et réformer les lois du pays pour veiller à ce que les délits de presse soient dépénalisés »
Cet article a été initialement publié sur cpj.org le 23 mars 2022.
Les autorités camerounaises devraient abandonner les poursuites à l’encontre du journaliste Malcom Barnabé Paho et dépénaliser les délits de presse dans le pays, a annoncé mercredi le Comité pour la protection des journalistes.
Le 22 février, la gendarmerie nationale a interpellé Paho, directeur du journal Midi Libre Hebdo et a ouvert une procédure pénale pour diffamation à son encontre. Elle l’a ensuite détenu pendant deux jours dans la capitale Yaoundé suite à une plainte déposée par Boba Denis, pasteur et chef de l’église Africa Life World Mission, une organisation religieuse internationale, selon les médias et le journaliste qui s’est entretenu avec le CPJ via une application de messagerie.
Denis a déposé plainte le 27 janvier, après la publication par Midi Libre Hebdo le 29 novembre 2021 d’un article prétendant que Denis avait des relations sexuelles avec des membres de l’église, selon une lettre adressée à Paho par le Conseil national de la communication (CNC) du Cameroun, le régulateur des communications du pays, et l’article, que le CPJ a pu se procurer. Denis a fait valoir que l’article contenait « des déclarations infondées susceptibles de nuire à son image », selon la lettre du CNC.
« Les autorités camerounaises devraient abandonner leurs poursuites à l’encontre du journaliste Malcolm Barnabé Paho et réformer les lois du pays pour veiller à ce que les délits de presse soient dépénalisés », a déclaré Angela Quintal, coordonnatrice du programme Afrique du CPJ à New York. « La priorité du Cameroun devrait être de s’assurer qu’il n’y a plus de journalistes en prison et non pas de chercher à en ajouter d’autres. »
Le 24 février, Paho a été libéré après avoir versé une caution de 100 000 francs CFA (167 dollars) a déclaré par téléphone l’avocat de Paho, Soumele Jatsa Augustin, au CPJ. Au Cameroun, la diffamation est passible d’une peine pouvant aller jusqu’à six mois de prison et d’une amende de 2 millions de francs CFA (3 350 dollars), selon l’article 305 du code pénal.
Paho a indiqué au CPJ qu’il devrait comparaître devant le tribunal le 14 avril.
Denis a déclaré au CPJ par téléphone qu’il avait déposé des plaintes distinctes pour diffamation auprès de la gendarmerie camerounaise, pour que Paho réponde pénalement de ses actes, et auprès du CNC qui peut imposer des sanctions aux médias et aux journalistes. « Je lui reproche (Paho) tout ce qu’il a dit dans le journal et de ne pas m’avoir consulté pour s’assurer que ce qu’il a dit était vrai. Ce qu’il a écrit est extrêmement grave et met ma vie en danger », a déclaré Denis.
Le CNC a examiné la plainte de Denis à l’encontre du journaliste et l’a finalement rejetée, a déclaré Paho au CPJ. Jean Tobie Ho, secrétaire général du CNC, a déclaré au CPJ par téléphone que la plainte avait été rejetée pour une question technique.
Les appels du CPJ ainsi que les questions qu’il a envoyées via une application de messagerie à Florent Ntyam-Nkoto, procureur de la République à Yaoundé, sont restés sans réponse.Au moins quatre journalistes sont actuellement emprisonnés dans le cadre de leur travail au Cameroun, selon les recherches du CPJ. Deux ont été libérés depuis le 1er décembre 2021, date à laquelle le CPJ a effectué son dernier recensement des journalistes emprisonnés dans le monde en raison de leur travail.