(RSF/IFEX) – « Nous sommes horrifiés par l’assassinat de Daïf Al Ghazal, a déclaré RSF. Nous partageons l’émotion de ses confrères du journal en ligne « Libya Al Youm » et la peine de sa famille dont nous soutenons la demande d’ouverture d’enquête auprès de la Fondation Khadafi, appartenant au fils du président libyen ». « Nous appelons solennellement les […]
(RSF/IFEX) – « Nous sommes horrifiés par l’assassinat de Daïf Al Ghazal, a déclaré RSF. Nous partageons l’émotion de ses confrères du journal en ligne « Libya Al Youm » et la peine de sa famille dont nous soutenons la demande d’ouverture d’enquête auprès de la Fondation Khadafi, appartenant au fils du président libyen ».
« Nous appelons solennellement les autorités libyennes à élucider cette macabre affaire. Si l’enquête n’aboutissait pas, la communauté internationale aurait, une fois de plus, la preuve que la détermination de la Libye à opérer des progrès réels en faveur des droits de l’homme n’est pas crédible », a conclu l’organisation.
D’après Mohammed Abdul Malek, président de Libya Watch, organisation des droits de l’homme basée à Londres, Al Ghazal a été enlevé dans la nuit du 21 mai 2005, vers minuit (heure locale). Alors qu’il conduisait sa voiture, deux hommes armés l’ont forcé à s’arrêter, à descendre et à les suivre dans leur véhicule. Selon Mohammed al-Mirghani, un ami journaliste qui l’accompagnait et qui n’a pas été inquiété, les ravisseurs se sont présentés comme des membres de la sécurité nationale.
La famille est restée sans nouvelles jusqu’à l’annonce des autorités, le 2 juin, de la découverte à Benghazi (Nord-Est) de son corps, très difficile à identifier. En effet, le rapport d’autopsie a fait état de multiples traces de torture. La plupart des doigts du journaliste ont été coupés, son corps a révélé des blessures au couteau et de nombreuses contusions. Le journaliste a été achevé d’une balle dans la tête.
Interrogé par l’agence britannique Reuters, un porte-parole du gouvernement a affirmé que « les autorités enquêtaient et annonceraient les résultats de leur travail dès que possible », tout en refusant de faire tout commentaire sur les commanditaires éventuels du crime. Le ministre libyen de la Justice, Ali Hasnaoui, a déclaré à l’Agence France-Presse que les services de sécurité, interrogés par le parquet de Benghazi, ont nié avoir arrêté le journaliste. Selon lui, plusieurs personnes ont été interrogées et des indices ont déjà été collectés.
Dans un courrier signé par huit de ses membres, la famille du journaliste a appelé la Fondation Khadafi, présidée par le fils du chef de l’Etat, Seif El-Islam, « à intervenir pour élucider les circonstances de la disparition et de la mort » de leur proche et « à ouvrir une enquête sur cette affaire ».
Journaliste et écrivain, Al Ghazal était âgé de 32 ans. Il avait travaillé pendant dix ans au Mouvement des comités révolutionnaires (MDC, proche du pouvoir) qu’il avait quitté en 2003 pour cause de désaccord. Le MDC se définit comme un « mouvement politico-culturel qui appelle à l’instauration du pouvoir du peuple », conformément à la doctrine de Mouammar Khadafi. Après avoir écrit quatre ans dans le quotidien « Al-Zhaf al-Akhdar » (en arabe, « La marche verte ») appartenant au MDC, le journaliste s’était positionné contre la corruption qui y règne et avait décidé d’arrêter définitivement d’écrire dans la presse officielle.
D’après Salem Mohammed, rédacteur en chef du journal en ligne libya-alyoum.com (« Libye aujourd’hui »), les articles que Al Ghazal publiait sur son site depuis environ un an étaient fortement critiques à l’égard du MDC et du régime. Ce journal en ligne basé à Londres réunit une soixantaine de journalistes et écrivains désireux d’écrire en dehors de la presse officielle.
En 2004, Al Ghazal avait lancé un appel aux intellectuels libyens pour monter un comité civil contre la corruption qui ne s’est jamais formé. Au mois de mars, le journaliste avait déjà passé trois jours en prison pour des interrogatoires. Il était régulièrement menacé par le MDC qui le traitait de « lâche ». Il avait régulièrement défié ses détracteurs en affirmant qu’il n’avait pas peur et ne demeurerait jamais silencieux.
Pour le président de Libya Watch, « la mort de Daïf Al Ghazal représente un grave recul pour la liberté d’expression et les droits de l’homme en Libye, puisque c’était un journaliste particulièrement engagé contre la corruption ». Libya Watch avait exprimé son inquiétude quant à la possibilité de l’enlèvement du journaliste par « des extrémistes des comités révolutionnaires ».
La liberté de la presse reste totalement absente en Libye où les médias sont entièrement contrôlés par l’Etat. « Al-Zhafa al-Akhdar » a été suspendu plusieurs fois pour avoir publié des articles qui avaient déplu au pouvoir.