(RSF/IFEX) – Le verdict du procès de Shi Tao – condamné en avril 2005 à dix ans de prison pour « divulgation illégale de secrets d’Etat à l’étranger » – indique que la filiale hongkongaise de Yahoo! a transmis à la police des informations compromettant le journaliste. « Déjà collaborateur zélé de la censure, Yahoo! devient auxiliaire de […]
(RSF/IFEX) – Le verdict du procès de Shi Tao – condamné en avril 2005 à dix ans de prison pour « divulgation illégale de secrets d’Etat à l’étranger » – indique que la filiale hongkongaise de Yahoo! a transmis à la police des informations compromettant le journaliste. « Déjà collaborateur zélé de la censure, Yahoo! devient auxiliaire de la police chinoise », a déclaré RSF.
« Certes, Yahoo! n’a fait que se plier aux demandes des autorités chinoises. Les dirigeants de l’entreprise pourront une nouvelle fois expliquer qu’ils ne font que se conformer aux lois du pays dans lequel ils opèrent. Mais la légalité de cette procédure n’exonère pas Yahoo! de tout questionnement éthique. Jusqu’où cette entreprise acceptera-t-elle d’aller pour plaire à Pékin? Les informations fournies par Yahoo! ont conduit à la condamnation d’un journaliste intègre, qui paie aujourd’hui très cher le fait d’avoir voulu nous informer librement. C’est une chose de fermer les yeux sur les exactions du gouvernement chinois, c’en est une autre d’y collaborer », a ajouté l’organisation.
Le verdict, traduit en anglais par l’organisation de défense des prisonniers politiques chinois The Dui Hua Foundation, précise que l’entreprise Yahoo! Holdings (Hong Kong) a fourni à la justice des informations détaillées sur le compte mail personnel de Shi (huoyan1989@yahoo.com.cn). Selon ce document, l’entreprise aurait notamment remis le message considéré comme un « secret d’Etat » et utilisé à charge lors du procès, ainsi que l’adresse IP de l’ordinateur du journaliste.
Yahoo! Holdings (Hong Kong) est soumis à la législation hongkongaise. Celle-ci ne précise pas le régime de responsabilité des hébergeurs de mails dans ce type de situation. Il serait néanmoins d’usage que les hébergeurs et les fournisseurs d’accès transmettent à la police des informations sur leurs utilisateurs après présentation d’un mandat judiciaire.
Les tests réalisés par RSF semblent indiquer que les serveurs utilisés par le service de mail de Yahoo.com.cn, desquels ont été extraits les informations sur Shi, sont basés en Chine continentale.
RAPPEL DES FAITS :
Shi, 37 ans, du quotidien « Dangdai Shang Bao » (Les Nouvelles du commerce contemporain), a été reconnu coupable, le 30 avril, de « divulgation illégale de secrets d’Etat à l’étranger ».
Selon les autorités, le journaliste a diffusé, sur des sites basés à l’étranger, une note interne transmise à sa rédaction par les autorités qui mettait en garde les journalistes contre les dangers d’une déstabilisation sociale et les risques liés au retour de certains dissidents à l’occasion du quinzième anniversaire du massacre de la place Tiananmen. Lors du procès, la Sécurité d’Etat a confirmé qu’il s’agissait d’un document « Jue Mi » (top secret). Shi a reconnu avoir envoyé ce document par e-mail mais a contesté son caractère secret.
Le journaliste est incarcéré dans un centre de détention de Changsha depuis son arrestation, le 24 novembre 2004, à Taiyuan (Nord-Est).
Yahoo! accepte depuis des années de censurer la version chinoise de son moteur de recherche. Résultat, si l’on tape « indépendance de Taïwan », en chinois, sur ce moteur de recherche, on n’obtient aucun résultat.
Le géant américain semble aujourd’hui prêt à tout pour conquérir le marché chinois et investit largement dans des entreprises locales. En 2003, il avait racheté pour 120 millions de dollars le moteur de recherche 3721.com. Plus récemment, Yahoo! s’est allié au géant de l’Internet Alibaba, une opération qui lui aurait coûté près d’un milliard de dollars. RSF a écrit à plusieurs reprises aux dirigeants de Yahoo! pour les alerter sur des problèmes éthiques liés à leurs investissements en Chine. Ces courriers sont restés sans réponses.