Dans un pays où la liberté d'expression est déjà limitée, le gouvernement finalise un projet de décret destiné à renforcer le contrôle d'Internet.
(RSF/IFEX) – Le président bélarusse, Alexandre Loukachenko, a reconnu, le 30 décembre 2009, que son gouvernement finalisait un projet de décret destiné à renforcer le contrôle d’Internet, dans un pays où la liberté d’expression est déjà limitée. Celui-ci a fait l’objet d’une fuite aux médias le 14 décembre 2009. Les discussions qui l’entourent demeurent secrètes.
« Nous soulignons notre inquiétude vis-à-vis de ce projet qui met en danger la liberté d’expression sur Internet, et le droit de chacun de s’exprimer dans l’anonymat sans craindre la répression du gouvernement. Après avoir placé la majorité des médias traditionnels sous son contrôle, le régime poursuit son offensive contre les nouveaux médias. Les déclarations rassurantes du président bélarusse ne peuvent dissimuler le caractère liberticide de ce projet de décret qui risque de pousser les net-citoyens à l’autocensure. Ce projet doit être abandonné, afin que le Bélarus ne rejoigne pas la liste des ennemis d’Internet dressée par Reporters sans frontières, au même titre que la Corée du Nord, la Chine ou l’Iran », a déclaré l’organisation.
Le projet prévoit l’enregistrement de chaque publication et l’identification de chaque internaute, qu’il se connecte chez lui ou dans un cybercafé. Dans ce dernier cas, l’internaute devra fournir ses papiers d’identité pour pouvoir se connecter. Ces informations seront répertoriées par les Fournisseurs d’accès à Internet (FAI), qui auront l’obligation de rapporter ces données à la police, aux tribunaux, et aux services spéciaux chargés de surveiller le contenu de l’information publiée dans tout le pays.
Chaque site devra s’enregistrer dans le cadre d’une procédure qui devrait être définie par le Conseil des ministres et approuvée par le Centre opérationnel et analytique de l’Administration présidentielle. Ce centre sera chargé de recueillir des informations sur chaque site. S’il contient des informations sur le Bélarus, le site devra, pour être accessible, être hébergé sous un nom de domaine .by. Enfin, les FAI pourront être forcés de bloquer des sites considérés comme « extrémistes » par des agences gouvernementales, sans aucune intervention judiciaire.
Le président Alexandre Loukachenko a déclaré le 30 décembre que « le gouvernement n’empêchera personne de faire quoi que ce soit ou ne bannira rien ». Ces déclarations sont définitivement incompatibles avec celles du chef de l’Etat qui affirmait qu’il s’inspirait du modèle chinois. Dans une logique de « mieux surveiller pour mieux poursuivre et réprimer » et sous prétexte de s’attaquer à la diffamation ou l’injure, c’est en réalité la critique du gouvernement qui deviendra une cible.
Dans un pays où les médias officiels sont dominants et où leurs homologues indépendants peinent à survivre, Internet est un espace de parole dynamique, avec une blogosphère de plus en plus développée comptant trois millions d’internautes à ce jour. L’enregistrement des médias rendu obligatoire par la loi sur la presse d’août 2008 n’était pas applicable à Internet. Le projet de décret actuel entend malheureusement combler cet oubli, en s’attaquant à ce que le gouvernement appelle « l’anarchie » du Web.
Le Bélarus est classé comme pays sous surveillance par Reporters sans frontières, au regard de la situation des libertés sur Internet. Cette désignation s’explique principalement par l’existence d’un seul FAI (Beltelekom Company) et de blocages de sites d’opposition durant des événements politiques majeurs. De plus, depuis le 10 février 2007, un décret oblige les propriétaires de cybercafés à dénoncer à la police les internautes qui visitent des sites « sensibles », ainsi qu’à enregistrer l’historique de navigation des douze derniers mois sur leurs ordinateurs et à tenir ces informations à disposition des forces de l’ordre.
En juillet dernier, des journalistes du site d’informations Charter 97 ( http://charter97.org ), proches de l’opposition, avaient reçu des menaces suite à la publication d’un article sur une affaire de racisme.