CPJ a transmis une lettre au président Mamadou Tandja pour demander la levée des restrictions croissantes visant tout traitement de l'opposition populaire à son projet d'amendement constitutionnel.
(CPJ/IFEX) – New York, le 13 juillet 2009 – Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) a transmis une lettre à l’attention du président Mamadou Tandja de la République du Niger pour demander la levée des restrictions croissantes visant tout traitement de l’opposition populaire à son projet d’amendement constitutionnel. La lettre est disponible en ligne. Le texte de son contenu est ci-dessous.
Le 10 juillet 2009
S.E. Mamadou Tandja
Président de la République du Niger
c/o Ambassade de la République du Niger aux États-Unis d’Amérique
2204 R Street, NW
Washington, D.C. 20008
Fax: (202) 483-3169
Monsieur le Président,
Nous vous écrivons pour exprimer notre inquiétude face aux restrictions croissantes contre la presse privée nigérienne par votre administration. Nous sommes particulièrement préoccupés par la censure visant tout traitement de l’opposition populaire à votre projet d’amendement constitutionnel visant à lever la limitation au nombre de mandats présidentiels dans votre pays.
Depuis le 26 juin, vous assumez des pouvoirs extraordinaires après votre dissolution de la Cour constitutionnelle et de l’Assemblée nationale qui s’étaient opposés à votre proposition d’amendement constitutionnel, selon les médias internationaux. Mercredi dernier, un décret présidentiel a accordé au président de l’organe national de régulation des médias, le Conseil supérieur de la communication (CSC), de pleins pouvoirs de censure sommaire de « toute information de nature à porter atteinte à la sécurité de l’Etat ou à l’ordre public », selon des journalistes et des médias locaux. Ce décret a donné au président du CSC l’autorisation de « prendre toute mesure conservatoire sans mise en demeure préalable » et sans consulter les 10 autres membres du Conseil. Pourtant les règlements en vigueur du CSC exigent la délivrance d’une mise en demeure, une audition et un quorum des membres avant toute action disciplinaire, selon des experts juridiques.
Ce décret fait suite à une décision du président du CSC, Daouda Diallo, le 29 juin dernier, de suspendre indéfiniment la Radio et Télévision Dounia, après la diffusion par cette station d’un communiqué de l’opposition. M. Diallo a accusé la station de diffuser un « appel à l’insurrection des forces de défense et de sécurité », a-t-il déclaré au CPJ.
Pourtant, le même jour, six des membres du Conseil se sont opposés à cette décision au motif qu’elle avait été prise sans consultation interne. Un juge du tribunal de grande instance hors classe de Niamey a d’ailleurs annulé la suspension de Dounia le 2 juillet courant, selon l’expert juridique nigérien, Karim Souley. Par ailleurs, une seconde décision de la Cour suprême a annulé la suspension d’un mois imposée à la même station en août 2008, une décision qui était liée à la large couverture faite par Dounia du leader de l’opposition alors emprisonné, Hama Amadou, selon des médias locaux.
Le bras de fer entre le Conseil et le système judiciaire met les médias dans une situation précaire durant une période de lutte pour le pouvoir dans votre pays.
Le Conseil a imposé d’autres restrictions aux médias privés, notamment l’interdiction depuis le 8 juin dernier d’émissions en direct traitant de la crise politique actuelle. En outre, plusieurs autres journalistes de divers médias sont confrontés à des poursuites pénales pour avoir fait des reportages sur des sujets sensibles, selon des recherches du CPJ. Par exemple, le directeur général de Dounia, Abibou Garba, fait face à des accusations pénales de diffamation et de diffusion de fausses nouvelles pour avoir diffusé en avril dernier un débat télévisé au cours de laquelle un militant a qualifié un accord d’exploitation de l’uranium, conclu entre le géant français de l’énergie nucléaire AREVA et le gouvernement nigérien, de « pillage des ressources du Niger ».
En réalité, ces restrictions privent le peuple nigérien de leur droit à des informations balancées lors d’une période de débats contradictoires sur l’avenir de votre pays. Le fait d’accorder à une seule personne l’autorité de censurer sommairement les reportages critiquant votre politique ébranle ce débat et sape la confiance du public à l’autorité de la loi. Par conséquent, nous vous demandons d’abroger le décret présidentiel et de mettre fin à la censure pour permettre aux médias de s’acquitter de leurs fonctions de rapporteurs de toutes les opinions dans ce débat crucial de l’histoire du Niger.
Veuillez agréer, Monsieur le président, l’expression de nos sentiments distingués.
Joël Simon
Directeur exécutif