(RSF/IFEX) – Michel Legré, principal témoin dans l’affaire du journaliste disparu Guy-André Kieffer, a été inculpé, le 28 mai 2004, de « complicité d’enlèvement », de « séquestration » et « d’assassinat » par la justice ivoirienne. Il a également été inculpé de « diffamation ». RSF s’étonne que tous les moyens juridiques soient mobilisés pour le mettre en cause alors que, parallèlement, […]
(RSF/IFEX) – Michel Legré, principal témoin dans l’affaire du journaliste disparu Guy-André Kieffer, a été inculpé, le 28 mai 2004, de « complicité d’enlèvement », de « séquestration » et « d’assassinat » par la justice ivoirienne. Il a également été inculpé de « diffamation ».
RSF s’étonne que tous les moyens juridiques soient mobilisés pour le mettre en cause alors que, parallèlement, les autorités judiciaires ivoiriennes se refusent à entendre les principaux témoins cités par Legré et font obstruction au juge d’instruction français pour que lui-même puisse les entendre.
Manifestement, il y a deux poids deux mesures qui laissent penser que les autorités ivoiriennes veulent faire porter la responsabilité de la disparition de Kieffer à Legré. En effet, ils mettent en cause « un complice » sans se donner les moyens de rechercher les auteurs.
Il convient de remarquer à ce sujet que soit les autorités judiciaires ivoiriennes ont recueilli de nouveaux éléments dans ce dossier, et dans ce cas se sont abstenues jusqu’à présent de les transmettre au juge d’instruction français saisi, soit sur la base des mêmes faits, elles ont préféré inculper le principal témoin au lieu, comme l’exigeait le juge d’instruction Patrick Ramaël, d’entendre les autres personnes mises en cause.
Sans préjuger d’une éventuelle responsabilité de Legré dans les faits qui lui sont reprochés, RSF est surprise qu’il soit poursuivi pour « diffamation » pour des propos qu’il a tenus dans le cadre d’une information judiciaire. Par ailleurs, RSF demande que la sécurité de Legré soit assurée dès lors qu’il s’agit aujourd’hui du principal témoin.
On remarquera enfin que la justice ivoirienne n’avait pas, jusqu’à présent, ouvert d’information judiciaire malgré le dépôt de plainte avec constitution de partie civile de la famille de Kieffer et de RSF. Cette information n’a été ouverte que le 27 mai, soit plus de quarante jours après la disparition, et dans le but manifeste d’intimider un témoin au lieu de rechercher la vérité.
Legré, beau-frère de Simone Gbagbo, est la dernière personne à avoir vu Kieffer avant sa disparition. Il a été incarcéré à la maison d’arrêt et de correction d’Abidjan.
Entendu à deux reprises par le juge français Ramaël, lors de son séjour en Côte d’Ivoire, Legré avait cité les noms d’au moins huit personnes impliquées, selon lui, dans l’enlèvement du journaliste franco-canadien. Il s’agit de Sery Lia, un militaire qui aurait enlevé Kieffer, Gouamene, un capitaine de l’armée, Aubert Zohore, le directeur de cabinet du ministre de l’Economie et des Finances, Victor Nembelissini, le directeur général de la Banque nationale d’investissement, Patrice Bailly, le responsable de la sécurité du chef de l’Etat, Anselme Seka Yapo, le responsable de la sécurité de Mme Gbagbo, Bertin Gahié Kadet, conseiller à la présidence chargé des affaires de Défense et Moïse Kore, qui se définit lui-même comme le pasteur de Gbagbo.
Toujours selon Legré, Kieffer aurait été enlevé sur le parking d’un centre commercial d’Abidjan par plusieurs hommes et emmené, à bord d’un véhicule 4×4 vert, dans un camp militaire sous les ordres de Patrice Bailly.
Les demandes d’audition de ces huit personnes par le juge d’instruction français n’avaient cependant pas abouti. Ce dernier s’est plaint « du blocage total dans [ses] investigations » auprès du procureur de la République d’Abidjan.
Par ailleurs, le juge Ramaël a expliqué que la voiture retrouvée à l’aéroport n’avait pas été conduite là par Kieffer. Selon le magistrat, le siège a été avancé et c’est une personne plus petite qui a certainement conduit le véhicule sur le parking de l’aéroport.