Le 6 juin 2011 s'est ouvert le procès des trois tueurs présumés du journaliste kirghize, mort en décembre 2009 après avoir été défenestré du 6ème étage d'un immeuble de la capitale kazakhe.
(RSF/IFEX) – Le 6 juin 2011 s’est ouvert à Almaty (capitale du Kazakhstan) le procès des trois tueurs présumés du journaliste kirghize Guennadi Pavliouk, mort en décembre 2009 après avoir été défenestré du 6ème étage d’un immeuble de la capitale kazakhe.
« La décision de rendre le procès public, conformément à la demande de la partie civile, est un progrès notable. Espérons que cela permettra de mettre fin à la confusion et aux contradictions qui parsèment le dossier”, a déclaré Reporters sans frontières. « Cependant, la justice ne pourra pas être rendue sans un complément d’enquête envisageant la piste professionnelle et politique, scandaleusement écartée par l’instruction. »
Au banc des accusés figurent Aldaïar Ismankoulov, ex-agent des services spéciaux kirghizes et deux citoyens kazakhs, Chalkar Orazaline et Almaz Iguilikov. Les trois hommes rejettent les accusations de « tentatives d’homicides »et d' »extorsion de fonds » portées contre eux. Selon l’enquête, close le 23 mars 2011, le journaliste aurait été séquestré pour qu’il donne le code de son coffre-fort et devant son refus, aurait été jeté par la fenêtre.
« Au regard du train de vie modeste du journaliste et la sensibilité des sujets qu’il traitait, cette version des faits est profondément ridicule. Les liens de Guennadi Pavliouk avec le parti d’opposition Ata-Meken constitue un autre élément significatif. Comment l’enquête a-t-elle pu écarter le contexte d’intense répression qui a caractérisé les derniers mois du régime de l’ancien président kirghize Kourmanbek Bakiev ? Comment ce crime pourrait ne pas avoir été prémédité, alors que le journaliste aurait été attiré à Almaty avec de fausses promesses et que les tueurs avaient spécialement loué l’appartement d’où il a été défenestré ? »
« Nous exhortons la justice à ne pas s’arrêter aux tueurs et à remonter aux commanditaires et complices haut placés. Il est fondamental de remonter la piste politique au Kazakhstan comme au Kirghizistan. En particulier, les liens entre des éléments des anciens services spéciaux kirghizes et le crime organisé doivent faire l’objet d’une enquête approfondie. Le blocage est d’autant plus incompréhensible que le changement de régime d’avril 2010 a rendu la partie kirghize prête à coopérer », a conclu l’organisation.
Le 16 décembre 2009, le journaliste a quitté l’hôtel « Kazakhstan »d’Almaty en compagnie d’une personne, identifiée par le chauffeur de taxi comme étant Almaz Iguilikov. Quelques heures plus tard, il a été retrouvé inconscient, pieds et poings liés, au pied d’un immeuble du centre de la capitale. Il est mort six jours plus tard des suites de ses blessures. Les raisons exactes de la présence du journaliste dans la capitale kazakhe n’ont pas encore été confirmées.
Guennadi Pavliouk s’était fait connaître en dirigeant la version kirghize du journal russe « Argumenty I Fakty ». Fondateur du journal indépendant « Bely Parokhod », il était aussi rédacteur en chef de l’édition kirghize de « Komsomolskaya Pravda ». À l’époque de sa mort, le journaliste avait pour projet de créer un site internet et un hebdomadaire d’informations pour le parti d’opposition Ata-Meken. Pavliouk était très critique de la politique du président kirghize de l’époque, Kourmanbek Bakiev. Avant son renversement en 2010, le pouvoir s’était nettement durci et les journalistes indépendants avaient subi une violente vague d’agressions, dont Guennadi Pavliouk pourrait avoir été également la victime.