(RSF/IFEX) – Non content de s’en prendre à ses opposants en Tunisie, le régime du président Ben Ali a décidé de poursuivre la chaîne de télévision arabe Al Mustaquilla (basée à Londres) sur le sol britannique. Le président de la chaîne, Mohammed el Hachmi Hamdi, a été informé par un cabinet d’avocats britannique d’une plainte […]
(RSF/IFEX) – Non content de s’en prendre à ses opposants en Tunisie, le régime du président Ben Ali a décidé de poursuivre la chaîne de télévision arabe Al Mustaquilla (basée à Londres) sur le sol britannique. Le président de la chaîne, Mohammed el Hachmi Hamdi, a été informé par un cabinet d’avocats britannique d’une plainte déposée contre lui par le juge tunisien Jedidi Ghnia. Celui-ci s’est estimé diffamé lors d’une émission diffusée par la chaîne. Ses avocats considèrent ainsi que les programmes de la chaîne ont violé les dispositions de l’Independent Television Commission (ITC, organe britannique indépendant chargé de l’attribution des licences et de la régulation de l’espace audiovisuel privé). « Une fois de plus, l’Etat tunisien n’hésite pas à avoir recours aux grands moyens pour faire taire les voix de l’opposition. Tout le monde sait bien que, derrière ce juge, c’est le régime qui agit. En effet, un certain nombre de propos « diffamatoires » reprochés à la chaîne ne concernent en rien Jedidi Ghnia mais portent sur les violations massives des droits de l’homme en Tunisie », a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de RSF.
« Il nous paraît évident que les autorités tunisiennes veulent étouffer financièrement la chaîne dont elles connaissent le peu de moyens. Des procédures marathon aboutiraient de façon certaine à la faillite d’Al Mustaquilla. RSF ne doute pas, par ailleurs, que l’ITC
agira en toute impartialité dans cette affaire, Al Mustaquilla n’ayant rien fait d’autre que d’exercer son droit d’informer librement », a-t-il ajouté.
Le 23 août 2001, el Hachmi Hamdi, directeur d’Al Mustaquilla, a été informé, via le cabinet d’avocats britannique Farrer & Co., que sa chaîne avait, lors de plusieurs émissions, enfreint les dispositions de l’ITC. Le cabinet avait été sollicité par le juge tunisien Ghnia qui s’est estimé diffamé lors de l’émission Le Grand Maghreb, diffusé le 17 juin. On reproche notamment à la chaîne « d’inciter et de supporter des actions contre le gouvernement tunisien, son système judiciaire et l’Etat de droit ». Un des faits reprochés à la chaîne est de ne jamais inviter un représentant des autorités tunisiennes sur le plateau pour un débat contradictoire. Sur ce point, le directeur de la chaîne avait déjà déclaré à RSF, à plusieurs reprises, qu’avant chaque émission, des officiels tunisiens avaient été sollicités mais que ceux-ci avaient toujours refusé d’intervenir dans l’émission.
Par ailleurs, selon plusieurs témoignages, depuis le 18 août, toute personne qui souhaite, depuis la Tunisie, joindre Al Mustaquilla à Londres (sur le téléphone portable du directeur, à son domicile, sur le numéro du standard de la chaîne ou sur le numéro du studio) n’y parviennent pas. Et certains invités prévus pour intervenir dans Le Grand Maghreb les semaines passées, comme El Ayachi el Hamami (avocat) et Souad Gharbi (membre du Mouvement des démocrates sociaux), ont été empêchés de quitter le territoire tunisien.
Depuis plusieurs mois, el Hachmi Hamdi reçoit des menaces téléphoniques depuis la Tunisie (consulter l’alerte de l’IFEX du 27 juin 2001). Al Mustaquilla invite régulièrement sur le plateau du Grand Maghreb des opposants tunisiens : Khemaïs Chamari, Khemaïs Ksilla, Mohammed Charfi, Mokhtar Trifi, Moncef Marzouki, etc. « C’est vous la source des problèmes », « Nous sommes en état de guerre contre vous », lui a-t-on notamment dit. Après le passage de Sihem Bensedrine, directrice de publication du journal en ligne « Kalima » (www.kalimatunisie.com) et militante des droits de l’homme, au Grand Maghreb, le 17 juin, les auteurs des menaces se sont une nouvelle fois manifestés. Ils ont demandé à el Hachmi Hamdi de s’excuser à la télévision. En cas de refus, ils menaçaient les locaux de la chaîne d’attentat. Ils ont, par ailleurs, ajouté qu’ils étaient prêts à dépenser beaucoup d’argent pour poursuivre la chaîne devant la justice britannique. Durant plusieurs semaines, le directeur a été victime d’une campagne de calomnie dans certains médias tunisiens, notamment l’hebdomadaire privé « Ech Chourouk ». Enfin, plusieurs membres de la famille de el Hachmi Hamdi ont été convoqués, ces derniers mois, au commissariat de Sidi Bou Zid (centre du pays), et deux de leurs véhicules ont été confisqués, sans raison, par la police.
Quant à Bensedrine, c’est après être intervenue sur cette chaîne qu’elle a été arrêtée, à son retour d’Europe, le 26 juin (consulter les alertes de l’IFEX du 6 juillet et 27 juin 2001). Elle a été emprisonnée durant sept semaines puis mise en liberté provisoire.