(MFWA/IFEX) – Ci-dessous, une lettre du Réseau des Organisations Africaines de défense de la Libre Expression diffusé par la MFWA : Réseau des Organisations Africaines de défense de la Libre Expression (NAFEO) C/o Media Foundation for West Africa 30 Duade Street, Kokomlemle P. O. Box LG 730 Legon, Accra A Son Excellence Meles Zenawi Premier […]
(MFWA/IFEX) – Ci-dessous, une lettre du Réseau des Organisations Africaines de défense de la Libre Expression diffusé par la MFWA :
Réseau des Organisations Africaines de défense de la Libre Expression (NAFEO)
C/o Media Foundation for West Africa
30 Duade Street, Kokomlemle
P. O. Box LG 730
Legon, Accra
A
Son Excellence Meles Zenawi
Premier Ministre de l’Ethiopie
Office of the Prime Minister
P O Box 1031
Adis Abéba, Ethiopie
Le 24 novembre 2005
Objet: Les élections en Ethiopie: Une presse libre est cruciale pour le développement social et économique fondé sur la démocratie
Votre Excellence,
Nous voudrions par la présente exprimer notre profonde inquiétude au sujet des derniers événements survenus en Ethiopie, vu leur conséquence pour la presse dans son ensemble et pour des journalistes individuels.
Suite aux élections qui se sont déroulées en Ethiopie en mai et août derniers, nous soussignés sommes devenus de plus en plus préoccupés par la répression exercée contre les médias, répression marquée par des rumeurs faisant état d’annulation des autorisations pour exploiter des organes de presse ainsi que des rumeurs alarmantes selon lesquelles des journalistes seront inculpés de crimes politiques y compris la trahison. Nous sommes davantage consternés par les rumeurs selon lesquelles des parents [de journalistes] sont interpellés en lieu et place des journalistes et seraient tenus en otage.
Nous croyons fermement que sans considération des controverses ou incidents qui auraient découlé des résultats des élections de 2005 en Ethiopie, les journalistes ne devraient pas être ciblés ou tenus responsables pour les événements qu’ils ont couverts dans le cadre de l’exercice légitime de leur métier de journalistes. Un principe démocratique universellement admis est que les médias doivent être libres de faire du reportage sur les événements dans la société sans crainte de persécution ou de restrictions. Même là où des restrictions seraient légitimes, elles devraient être conformes aux législations et normes internationales et africaines et ne doivent pas être incompatibles avec les principes démocratiques.
S’en prendre aux journalistes pour leur reportage sur des faits, ou sur des réactions face à des événements n’empêche nullement que ces événements interviennent. Au contraire, la restriction sur la liberté de la presse et la liberté d’expression amplifie la tension et renforce les perceptions nationales et internationales que soit la démocratie est faible dans le pays, soit le gouvernement a du mal à apprécier les opinions divergentes, les reportages critiques ou indépendantes et juge nécessaire de pénaliser l’exercice de ces libertés comme un délit.
Nous croyons fermement en plus que même là où il est possible de démontrer qu’un organe de presse ou un journaliste s’est écarté de l’éthique et la déontologie universellement reconnues du journalisme, il existe des voies civiles et juridiques appropriées pour faire face à un tel cas, sans pour autant saper les principes de gouvernance démocratique. Nous exhortons votre gouvernement à étudier ses voies alternatives. Dans tous ces cas, nous exhortons également votre gouvernement à garantir une procédure juridique rapide et équitable au cours de laquelle les droits de procédure, les droits de l’homme ainsi que les libertés fondamentales des intéressés soient respectés et garantis à tout moment.
En ce qui concerne les normes internationales et africaines que nous avons évoquées plus haut, nous nous en remettons à vous d’apprécier le fait que l’arrestation et la détention des journalistes, et la saisie des membres de leurs familles en particulier, mine la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples que l’Ethiopie a ratifiée en 1998, particulièrement son Article 4 qui stipule que « Tout être humain a droit au respect de sa vie et à l’intégrité physique et morale de sa personne » et l’Article 6 qui garantie explicitement que « Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne » et « en particulier, nul ne peut être arrêté et détenu arbitrairement ».
Le ciblage spécifique des médias et des journalistes individuels sape également l’esprit et la lettre de la Déclaration de Principes sur la Liberté d’Expression en Afrique et plus précisément l’Article 1 qui précise que « La liberté d’expression et d’information,y compris le droit de chercher, de recevoir et de communiquer des informations et idées est un droit fondamental et inaliénable et un élément indispensable de la démocratie ». Et l’Article 2, qui dispose que « Aucun individu ne doit faire l’objet d’une ingérence arbitraire à sa liberté d’expression ».
Etant donné que c’est votre pays qui abrite le siège de l’Union Africaine, nous vous exhortons à entendre que les actions de votre gouvernement ne sont pas sans conséquences énormes pour la crédibilité et l’avenir de l’UA, une institution sur laquelle repose l’espoir des dizaines de millions d’Africains pour un avenir meilleur.
Les conséquences pour l’Union Africaine et pour l’Afrique en général des arrestations et détentions généralisées des citoyens ainsi que la répression contre les medias en Ethiopie seraient comparables aux conséquences de ce genre d’action émanant du gouvernement de la Belgique [qui abrite l’Union Européenne à Bruxelles], pour la crédibilité et l’avenir de l’UE. L’Union Africaine est déjà confrontée à de défis considérables et il serait plutôt souhaitable que le gouvernement de l’Ethiopie soit reconnu pour un effort de renforcement et non d’affaiblissement du leadership moral de l’UA et sa Commission Permanente basée à Adis Abéba.
Les Africains que nous sommes et ayant un intérêt tout particulier au développement social et économique accéléré de notre continent sur une base démocratique, nous soussignés en supplions votre gouvernement de comprendre que l’Afrique perdrait beaucoup à ne pas se doter d’une UA crédible.
Nous exhortons votre gouvernement à examiner sérieusement les questions soulevées dans la présente et de procéder sans délai à la libération des familles de journalistes détenues, à la libération des journalistes interpellés ainsi qu’à l’abandon des accusations de crime politique contre eux, tout en permettant aux organes de médias, et à chaque journaliste d’exercer librement ses fonctions.
Aucun pays n’est sans difficultés et l’Ethiopie en a eu son lot au cours des 3000 mille années de son existence. Lors de ces moments difficiles, les médias africains et internationaux ont soutenu le peuple et les gouvernements de l’Ethiopie. Ceci démontre sans aucun doute que notre engagement à un développement de l’Ethiopie fondé sur la démocratie est impartial. Nous croyons fermement aussi que le respect des droits et principes démocratiques de tous les citoyens tel qu’inscrits à l’Article 2 de la Charte Africaine [« Toute personne a droit à la jouissance des droits et libertés reconnus et garantis dans la chartre sans distinction aucune notamment politique ou toute opinion »], renforcerait au lieu d’affaiblir l’Ethiopie.
Dans l’espoir que cette correspondance trouvera une suite favorable, nous vous prions d’agréer, Votre Excellence Monsieur le Premier Ministre, l’assurance de notre très haute considération.
Liste des Signatures
1. Donat M’baya Tshimanga, Journaliste en Danger (JED, Kinshasa)
2. Kwame Karikari, Fondation pour les Médias en Afrique d’Ouest (MFWA)
3. Luckson Alfred Chipare, Institut des Médias d’Afrique Australe (MISA, Windhoek)
4. Edetaen Ojo, Media Rights Agenda (MRA, Lagos)
5. Rashweat Mukundu, Institut des Médias d’Afrique Australe (MISA, Harare)
6. Sam Mbure, Fondation Africaine des Médias Libres (AFMF, Nairobi)
7. Jacob J. Akol, Association pour la promotion des Médias dans le Soudan Méridional (AMDISS)
8. Sihem Ben Sedrine, Conseil national des Libertés en Tunisie (CNLT, Tunis)
9. Kifle Mulat, Association Ethiopienne des journalistes de la Presse Libre, (EFJA, Addis Ababa)
10. Amie Joof- Colé, Réseau inter-africain pour les femmes, les médias, l’égalité genre et le Développement (FAMEDEV, Dakar)
11. Jane Duncan, Freedom of Expression Institute (FXI, Johannesburg)
12. Cyprien Ndikumana, Organisation des Médias d’Afrique Centrale (OMAC,Bujumbura)
13. Diana Senghor, Institut Panos d’Afrique de l’Ouest (IPAO, Dakar)
14. Nurto Sheikh Mohamed, Somali Coalition for Free Expression (SCFE, Mogadishu)
15. Mathatha Tsedu, Le Forum Panafricain des Editeurs (TAEF, Johannesburg)
16. Ibrahim Famakan Coulibaly, Union des Journalistes de l’Afrique de l’Ouest (WAJA/UJAO, Bamako)
17. Rotimi Sankore, Centre de Recherche, d’Education et de Développement des Droits de la liberté d’expression et d’association (CREDO, London)
18. Fatou Jagne-Senghore, ARTICLE 19: Campagne Mondiale pour la libre expression
19. Gabriel Ayite Baglo, Fédération Internationale des Journalistes (IFJ Africa Office)