Dans sa lettre à M Kouchner, le TMG a exprimé sa profonde inquiétude face aux violations graves de la liberté d'expression en Tunisie suite aux récentes élections présidentielles.
(IFEX-TMG) – Le Groupe d’observation de la Tunisie (TMG), une coalition formée de 20 organisations membres du réseau de l’Échange international de la liberté d’expression (IFEX), a écrit au Ministre français des Affaires étrangères le 16 novembre 2009 pour lui faire part de son inquiétude face aux violations graves de la liberté d’expression en Tunisie suite aux récentes élections présidentielles :
Monsieur Bernard Kouchner
Ministre des Affaires étrangères et européennes
37, Quai d’Orsay
75351 Paris
France
Le 16 novembre 2009
Monsieur le Ministre,
Nous vous écrivons au nom des 20 membres du Groupe d’observation de la Tunisie (TMG) de l’IFEX (Échange international de la liberté d’expression) pour vous faire part de notre profonde inquiétude face aux violations graves portées de façon incessante au droit à la liberté d’expression en Tunisie et au recours systématique des autorités tunisiennes à la censure, à l’intimidation et à la violence.
Nous avons récemment condamné l’agression qui aurait été perpétrée par la police contre un journaliste tunisien ainsi que l’arrestation d’un autre journaliste et appelé les autorités tunisiennes à abandonner leur campagne d’intimidation contre la presse indépendante.
Le journaliste Slim Boukhdhir a été agressé dans la nuit du 28 octobre par quatre hommes, apparemment des policiers en civil, quelques heures après avoir donné une interview à la BBC sur les récentes élections présidentielles. Ces hommes l’ont enlevé, lui ont bandé les yeux, l’ont battu et lui ont arraché ses vêtements avant de le laisser dans un parc public.
Au cours d’un autre incident, le journaliste Taoufik Ben Brik a été incarcéré le 29 octobre après la publication d’articles critiques sur la récente réélection du Président Zine al-Abidine Ben Ali. Les articles avaient suscité un vif mécontentement dans les journaux contrôlés par l’État. Ben Brik est accusé d’une présumée agression contre une femme, mais le mobile de son arrestation serait plutôt d’ordre politique. L’état de santé de M. Ben Brik est particulièrement préoccupant.
Nous tenons par ailleurs à vous faire part de notre profonde inquiétude au vue de la détention de la blogueuse Fatima Riahi (connue sous le nom d’Arabbica). Bien qu’elle ait été relâchée, elle continue d’être traquée par la police, comme tous les blogueurs indépendants.
Nous avons appelé le gouvernement tunisien à enquêter minutieusement sur l’agression perpétrée sur la personne de Slim Boukhdhir et à traduire en justice les auteurs de cette agression, à retirer l’accusation contre Taoufik Ben Brik et à cesser d’harceler les journalistes indépendants ainsi que la presse tunisienne indépendante et d’opposition.
Les médias tunisiens sont en majorité sous le contrôle ou l’influence de l’État, un contrôle qui s’est par ailleurs immiscé au sein du conseil d’administration du Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT), dont l’indépendance a été usurpée et dont les membres sont harcelés.
Les journalistes qui critiquent le gouvernement ou signalent des affaires de corruption sont harcelés, intimidés et emprisonnés. Le Président Ben Ali, qui est au pouvoir depuis 1987 et a été réélu le 25 octobre avec presque 90 % des voix, avait averti que la loi « serait appliquée contre toute personne qui porterait des accusations ou émettrait des doutes sur l’intégrité du processus électoral sans preuve solide ».
À la suite des élections, le Président Ben Ali, relayé par les médias locaux, a accusé une « minorité infime » de Tunisiens de trahison et d’assistance aux journalistes étrangers dans le but de laisser planer le doute sur le résultat des élections, à l’issue desquelles le parti au pouvoir a conservé une large majorité.
Votre Ministère a exprimé le 6 novembre son inquiétude face à la situation à laquelle sont confrontés journalistes indépendants et défenseurs des Droits de l’homme en Tunisie. Il nous semble effectivement impératif, Monsieur le Ministre, que le gouvernement français ne sous-estime pas la gravité des violations des Droits de l’homme en Tunisie et qu’il adopte et promeuve une politique en accord avec les valeurs de la République, en invitant les autorités tunisiennes, notamment, à respecter leurs engagements internationaux dans le domaine des Droits de l’homme, particulièrement ceux pris en faveur de la liberté d’expression et de la presse.
Nous sollicitons par la présente l’opportunité de vous rencontrer à la date qui vous conviendra.
Nous nous tenons à votre disposition et nous vous prions d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de notre haute considération,
Timothy Balding
Joint CEO
Association Mondiale des Journaux et des Éditeurs de Médias d’Information
Rohan Jayasekera
Président du Groupe d’observation de la Tunisie
Échange international de la liberté d’expression
Les membres du TMG de l’IFEX:
ARTICLE 19, Royaume-Uni
Association Mondiale des Journaux et des Éditeurs de Médias d’Information (WAN-IFRA), France
Association mondiale des radiodiffuseurs communautaires (AMARC), Canada
Bahrain Center for Human Rights, Bahreïn
Cairo Institute for Human Rights Studies, Égypte
Cartoonists Rights Network International (CRNI), États-Unis
Centre PEN norvégien, Norvège
Comité des écrivains en prison de PEN International (WiPC), Royaume-Uni
Fédération internationale des associations et institutions de bibliothèques (IFLA), Pays-Bas
Fédération internationale des journalistes (FIJ), Belgique
Fondation Maharat, Liban
Index on Censorship, Royaume-Uni
Institut international de la presse (IIP), Autriche
Journaliste en danger (JED), République démocratique du Congo
Journalistes canadiens pour la liberté d’expression (CJFE), Canada
Media Institute of Southern Africa (MISA), Namibie
Organisation égyptienne pour les droits de l’Homme (EOHR), Égypte
Réseau d’information arabe des droits de l’Homme (ANHRI), Égypte
Union internationale des éditeurs (UIE), Suisse
Le Groupe d’observation de la Tunisie (TMG) est une coalition formée de 20 organisations membres du réseau de l’Échange international de la liberté d’expression (IFEX). L’IFEX-TMG surveille les atteintes à la liberté d’expression qui se produisent en Tunisie pour attirer l’attention sur le grand besoin qu’a ce pays d’améliorer son dossier en matière de violations des droits de la personne.