(RSF/IFEX) – Reporters sans frontières se félicite de la réouverture de l’enquête sur le meurtre de Brian Peters, l’un des cinq journalistes australiens, néo-zélandais et britanniques tués en octobre 1975 au Timor oriental par des paramilitaires et militaires indonésiens. « Trente ans après les faits, cette nouvelle enquête est une chance historique de faire la lumière […]
(RSF/IFEX) – Reporters sans frontières se félicite de la réouverture de l’enquête sur le meurtre de Brian Peters, l’un des cinq journalistes australiens, néo-zélandais et britanniques tués en octobre 1975 au Timor oriental par des paramilitaires et militaires indonésiens.
« Trente ans après les faits, cette nouvelle enquête est une chance historique de faire la lumière sur la mort des cinq reporters, témoins clés de l’invasion du Timor oriental par l’armée indonésienne. L’occupation puis la libération de cette ancienne colonie portugaise ont été marquées par de graves violations des droits de l’homme, et notamment la mort de journalistes. Il est temps que l’armée indonésienne accepte de fournir des informations sur les coupables présumés, même s’ils sont issus de ses rangs. Nous appelons donc les gouvernements concernés, notamment indonésien et australien, à collaborer à ce procès afin que les familles puissent enfin obtenir justice », a affirmé l’organisation.
Le 5 février 2007, le président de la Cour spéciale de Glebe (Nouvelles-Galles du Sud) a ouvert une nouvelle procédure sur la disparition, le 16 octobre 1975, au Timor oriental, de Brian Peters, journaliste de la télévision australienne privée TCN-9. Citoyen britannique, le reporter, âgé de 26 ans, était résident dans la province de Nouvelles-Galles du Sud.
La présentation faite le 5 février par la Cour souligne les échecs des différentes procédures judiciaires entamées depuis 1975. « Cette enquête de la Cour spéciale est la première en Australie à se faire de manière ouverte, publique et complètement indépendante », a précisé l’assistant du juge. Elle cite pourtant des résultats de la Commission de vérité et réconciliation pour le Timor oriental qui avait conclu que les journalistes n’avaient pas été tués par des tirs croisés, mais assassinés. La Cour entendra notamment des témoins australiens et timorais, mais a déploré le refus de tous les officiels et militaires indonésiens de venir déposer.
Le procès, qui devrait durer trois semaines, devrait notamment établir si les autorités australiennes, et notamment l’ancien Premier ministre travailliste Gough Whitlan, aujourd’hui âgé de 92 ans, étaient au courant de l’ordre donné d’éliminer les journalistes après avoir intercepté des communications de l’armée indonésienne.
Shirley Shackleton, veuve du journaliste Greg Shackleton, journaliste de HSV-7, a déclaré à Reporters sans frontières : « Tout ce que nous apprendrons sur Brian nous aidera à faire la lumière sur les quatre autres. (. . .) Cela fait quatre ans que les familles ont demandé à la Cour spéciale de s’occuper de cette affaire. L’arrivée d’un nouveau juge a permis que l’enquête avance. »
« Les Cinq de Balibo » étaient un groupe de journalistes travaillant pour deux chaînes de télévision australiennes, en reportage dans la ville frontalière de Balibo, le 16 octobre 1975. Ils ont été tués par des paramilitaires timorais et des soldats indonésiens qui préparaient l’invasion totale du pays le 7 décembre 1975. Le groupe comptait une équipe de la chaîne HSV-7 de Melbourne – le reporter australien Greg Shackelton, l’ingénieur du son australien Tony Stewart et le cameraman néo-zélandais Gary Cunningham – et une équipe de la chaîne TCN-9 de Sidney – le cameraman britannique Brian Peters et le reporter britannique Malcolm Rennie. Un sixième journaliste, l’australien Roger East, a été tué plus tard, le 8 décembre 1975.
Plusieurs tentatives d’enquêtes sur ces meurtres ont échoué : le gouvernement australien, notamment à travers son ambassade à Jakarta, a ainsi tenté à quatre reprises (1975, 1976, 1996 et 1999) d’obtenir des éclaircissements.
En 2000, des officiers des Nations unies au Timor Leste (UNTAET) avaient formé un organisme (Historical Crime Unit) qui avait notamment mené une enquête sur ces disparitions. Le 3 février 2001, les Nations unies avaient émis des mandats d’arrêt internationaux contre trois Indonésiens dont un ancien ministre, Yunus Yosfiah, pour le meurtre des « Cinq de Balibo ». Mais cette démarche n’avait jamais abouti. En 2001, Sergio Vieira de Mello, chef de l’UNTAET, avait demandé au ministre indonésien de l’Intérieur le droit de questionner neuf suspects dans cette affaire. Cette demande lui avait également été refusée.
L’échec des précédentes enquêtes s’explique avant tout par le refus des autorités de Jakarta de donner des informations sur le sort des corps des journalistes qui auraient été enterrés ou incinérés sans autopsie dans la capitale indonésienne, et l’impossibilité d’entendre les acteurs clés de ce drame qui tentent d’échapper ainsi à la justice internationale et australienne.
En mai 2007, Reporters sans frontières et la mairie de Bayeux (France) inaugureront le Mémorial des journalistes tués depuis 1945. Les noms de Brian Peters, Malcolm Rennie, Greg Shackleton, Gary Cunningham, Tony Stewart et Roger East seront inscrits sur des stèles en marbre.