Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier, reporters pour la chaîne de télévision France 3, ont été enlevés avec leurs trois collaborateurs afghans le 29 décembre 2009.
(RSF/IFEX) – Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier, avec leurs trois accompagnateurs afghans, sont les seuls journalistes actuellement retenus en otages dans le monde. A la veille de leur 500e jour de captivité, Reporters sans frontières demande, une nouvelle fois, leur libération.
« Il faut multiplier les initiatives pour les sortir de là. Sinon, il risque d’être trop tard. Ceux qui ont le pouvoir de faire libérer Hervé et Stéphane sont certainement au Pakistan, du côté de Quetta. Il faut que la France supplie le Pakistan d’intervenir et de mettre la pression sur les chefs des taliban. La mort de Ben Laden a affaibli ceux qui pensaient être à l’abri au Pakistan. Il faut en profiter. L’issue à cette prise d’otages est plus à chercher du côté d’Islamabad que de Kaboul, » a déclaré Reporters sans frontières.
Pour la première fois, un membre de la famille d’un des accompagnateurs afghans s’est exprimé : « Si le gouvernement français et les autres pays de la coalition, en premier lieu les États-Unis et l’OTAN étaient mieux organisés, les otages pourraient être libérés en une seule journée. Mais certains pays ne coopèrent pas et il n’y a aucune coordination entre eux. De son coté, Hamid Karzai ne fait pas les efforts nécessaires. »
Pour Abdolhamid Mobarez, président de l’Union nationale des journalistes d’Afghanistan (UNJA), « rien ne justifie de garder aussi longtemps en otages ces journalistes. Depuis le début, nous sommes préoccupés par leur sort, mais nous avons reçu des consignes, particulièrement de la part des autorités françaises qui nous enjoignent de ne pas évoquer leur situation, peut-être pour ne pas gêner les négociations. Je pense que les responsables afghans font tout ce qu’ils peuvent, mais le problème, c’est le Pakistan, où se trouvent les dirigeants taliban. Il faut exercer une pression sur les autorités d’Islamabad et utiliser tous les soutiens possibles, comme ceux des institutions, des organisations de la société civile et des journalistes. ( . . . ) La mort d’Oussama Ben Laden va affaiblir Al Qaeda. Il était leur chef historique et leur principale ressource économique. Je demande humblement aux taliban de libérer les otages, ils sont journalistes et ne doivent pas rester prisonniers pour avoir simplement fait leur travail. »
De son côté, Sediqolah Tohidi de l’organisation afghane NAI pour la protection des médias, en critiquant le manque d’information sur la situation des otages, insiste sur le fait que « personne ne veut évoquer cette question ». « Notre bureau, explique-t-il, a demandé des informations aux autorités afghanes et aux responsables de l’ambassade de France en Afghanistan. Les Afghans n’ont pas répondu et l’ambassade nous a demandé de garder le silence pour le bien des négociations. Il est évident qu’ici, dans les médias, ils sont oubliés. Je pense que la France, au contraire des autres pays de la coalition, a très mal réagi, particulièrement dans sa relation avec les médias, ayant soin de ne dévoiler aucune information. Concernant le président Hamid Karzai, son devoir est d’agir, soit officiellement soit officieusement, pour demander leur libération. Actuellement, un groupe de taliban, ayant la même ligne idéologique que les preneurs d’otages, vit sous la protection du gouvernement en plein Kaboul ! Ces gens utilisent les moyens de communication et les médias pour servir leur but. Qui sont-ils ? Que font-ils ? Les journalistes sont neutres, informer est leur devoir et leur enfermement, si long, est un crime contre l’humanité et contre l’islam. »
Pour Farideh Nikzad, de l’Association des journalistes indépendants afghans (AIJA) et rédactrice en chef de l’agence Wakht News, « 500 jours de détention pour les journalistes, c’est injuste, moralement et religieusement. Notre association est consternée par cette tragédie. Nous avons fait tout ce que nous avons pu pour leur libération, répétant sans cesse nos demandes pour leur libération. Mais nous butons contre un mur du silence ! Ni les autorités afghanes ni les françaises ne veulent nous répondre. Déjà, en décembre dernier, nous avions organisé un séminaire dans la ville de Kapisa en présence des journalistes de la région. Dans une résolution, nous avions demandé la libération des otages. Nous avons rappelé aux taliban qu’au pire moment de la guerre, les journalistes étaient toujours présents et que parfois, ils relayaient même les messages des insurgés. Il faut donc les libérer. Certains estiment que la mort d’Oussama Ben Laden compliquera les négociations, mais je me demande en quoi des journalistes qui n’ont rien avoir avec cette mort, qui sont détenus depuis plus d’un an, devraient être davantage en danger ? Nous, journalistes afghans, pensons à eux et somme avec eux. »
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