(RSF/IFEX) – L’hebdomadaire indépendant « Den », qui n’avait pu être publié depuis un an, a vu, après une nouvelle tentative, la totalité de ses exemplaires saisis par la police du Bélarus, le 26 mai 2005. « La liberté de la presse continue d’être sévèrement bafouée au pays du président Loukachenko. Ce dernier ne fait décidément aucun effort […]
(RSF/IFEX) – L’hebdomadaire indépendant « Den », qui n’avait pu être publié depuis un an, a vu, après une nouvelle tentative, la totalité de ses exemplaires saisis par la police du Bélarus, le 26 mai 2005.
« La liberté de la presse continue d’être sévèrement bafouée au pays du président Loukachenko. Ce dernier ne fait décidément aucun effort pour tenter de remédier à la dégradation profonde des conditions de travail des journalistes non inféodés au pouvoir. Il ne semble pas près de céder sa place au sein de la liste noire des prédateurs de la liberté de la presse établie par Reporters sans frontières », a déclaré l’organisation.
Dans la soirée du 26 mai, la police a saisi 1 990 exemplaires de « Den », hebdomadaire basé à Grodno (ouest du pays), dans la ville de Dubrovnya, située à 30 km de la frontière avec la Russie. Les policiers se sont emparés des exemplaires du journal dans un camion qui faisait le trajet depuis une imprimerie de Smolensk, en Russie. Ils ont déclaré devoir vérifier que le journal avait bien été imprimé légalement.
Le rédacteur en chef de « Den », Mikolai Markevich, a indiqué au correspondant de RSF que, de « source sûre », cette saisie policière a été orchestrée par le département de Grodno du Comité pour la sécurité d’Etat (KGB) afin d’empêcher l’hebdomadaire de relancer sa parution.
Quatre jours avant l’incident, la direction de l’imprimerie de « Den », à Smolensk, avait reçu une lettre dans laquelle Liliya Ananich, vice-ministre de l’Information du Bélarus, demandait que le journal ne soit pas imprimé au prétexte que l’enregistrement de sa nouvelle adresse n’avait pas été effectué auprès des autorités. Le rédacteur en chef de l’hebdomadaire a alors tenté de rencontrer la ministre, en vain. Celle-ci lui a demandé d’exposer ses motifs dans une lettre officielle.
Markevich avait prévu de réimprimer « Den », qui ne paraissait plus depuis le 2 juin 2004. Or, la lettre de la vice-ministre de l’Information a contraint l’imprimerie de Smolensk à rompre son contrat avec l’hebdomadaire jusqu’à ce qu’elle se décide à retirer son interdiction.
Le rédacteur en chef de « Den » a décrit cette injonction des autorités comme un « terrorisme d’Etat » à l’encontre de la liberté de la presse. « Den » a changé son adresse à Minsk récemment et a demandé au Comité exécutif de la ville de l’enregistrer le 18 avril 2005.
D’après la législation, un journal doit enregistrer sa nouvelle adresse auprès du ministère de l’Information une fois seulement qu’elle est enregistrée auprès des autorités locales. Mais ces dernières ont volontairement fait traîner les choses.
Markevich a déposé une requête auprès du ministère de l’Information. Il y décrit cette saisie policière des exemplaires de son hebdomadaire comme une injonction inacceptable dans un processus légal de régularisation de son journal et a demandé au ministère de retirer son interdiction d’imprimer.
« Den » a été régulièrement persécuté par les autorités du Bélarus durant l’année 2004, jusqu’à l’arrêt de sa publication le 2 juin de la même année.
Par exemple, en mai 2004, des officiers du KGB avaient saisi quatre ordinateurs appartenant à l’hebdomadaire au prétexte que le journal avait imprimé des versets déshonorants à l’égard du président Loukachenko.
« Den » est publié par l’ancienne rédaction de « Pahonya », hebdomadaire fermé par les autorités en 2001. Markevich, qui en était aussi le rédacteur en chef, avait été condamné à 18 mois de travaux forcés pour avoir publié un article dans lequel il accusait le Président d’être impliqué dans la disparition d’opposants politiques. Pavel Mazheika, également de l’équipe de « Pahonya », avait été condamné à un an de travaux forcés pour « insulte » envers le président Loukachenko. Les autorités du Bélarus n’en sont donc pas à leur coup d’essai dans leur entreprise de harcèlement systématique de cette équipe rédactionnelle persévérante.
De plus, le président Loukachenko a décrété, le 31 mai 2005, que les médias privés n’auraient désormais plus le droit d’utiliser les mots « national » ou « Bélarus » dans le nom de leur publication. Cette nouvelle interdiction ne s’appliquera pas aux médias d’Etat. Le décret présidentiel donne trois mois aux médias privés pour se conformer à cette décision en s’enregistrant sous un nouveau nom.
« La ficelle est trop grosse. Ce décret présidentiel a pour seul et unique but de mettre des bâtons dans les roues aux rares médias indépendants qui subsistent au Bélarus. Le pouvoir en place à Minsk continue jour après jour de multiplier les entraves à la liberté de la presse, par le biais d’un acharnement permanent à l’encontre des médias non inféodés au président Loukachenko. Ce dernier ne semble plus vouloir s’embarrasser de subtilités juridiques en choisissant clairement de discriminer les médias privés par rapport aux médias d’Etat, décision antidémocratique ayant pour seul but d’éliminer le pluralisme médiatique dans son pays », a déclaré l’organisation.
Des journaux comme « Belorusskaya Delovaya Gazeta », « Belorussky Rynok », « Belorusskaya Gazeta » ou encore « Natsionalnaya Ekomicheskaya Gazeta » vont devoir changer leur nom pour se conformer à ce décret présidentiel, et s’enregistrer de nouveau auprès des autorités. Cela va entraîner pour ces journaux d’importants frais administratifs et de nombreuses difficultés techniques. Ils devront par exemple modifier leur logo, leur mise en pages ou encore leurs coordonnées bancaires. Cette disposition risque également de leur faire perdre de nombreux lecteurs qui auront désormais du mal à reconnaître leur journal habituel.