La police multiplie les interrogatoires et les saisies de matériel.
(RSF/IFEX) – Reporters sans frontières s’inquiète des nouvelles mesures adoptées par les autorités visant à renforcer leur contrôle du Web, comme elles l’ont fait pour les médias traditionnels. Les internautes et les journalistes en ligne subissent déjà intimidations et pressions de la part de la police qui multiplie les interrogatoires et les saisies de matériel. Ils doivent maintenant faire face à un appareil législatif de plus en plus restrictif destiné à verrouiller le Web et à limiter la liberté d’expression sur le Net.
« Les campagnes d’intimidation s’intensifient à l’approche de la prochaine élection présidentielle. Elles doivent cesser afin de permettre un débat critique et pluriel nécessaire à toute élection libre », a déclaré RSF.
Le décret numéro 60, adopté en février 2010 et intitulé « Sur les mesures pour améliorer l’utilisation du réseau national d’Internet », est entré en vigueur le 1er juillet. Il établit notamment un contrôle étendu des contenus sur Internet et des possibilités d’accès au réseau. Il impose aux fournisseurs d’accès à Internet (FAI) de s’enregistrer auprès du ministère de la Communication et de lui fournir les éléments techniques des réseaux, systèmes et ressources d’informations Internet biélorusses.
Ce décret oblige également les supports d’accès à Internet (ordinateurs, téléphones portables) à être identifiés par les FAI. De même, chaque usager surfant sur Internet depuis un cybercafé ou en utilisant des connexions partagées par plusieurs personnes (ex : dans un immeuble en copropriété) devra décliner son identité. Chaque connexion sera enregistrée et conservée pendant un an. Cette mesure cherche à dissuader le citoyen de continuer de s’informer auprès de sites indépendants ou d’opposition.
Le décret prévoit enfin la création d’un Centre opérationnel et analytique (OAC) rattaché à la présidence, chargé de surveiller tout contenu avant diffusion sur Internet. Cette mesure institue clairement une censure au sommet de l’État. Toute demande du centre de fermer un site devra être mise en œuvre par le FAI concerné dans les 24 heures.
Le ministère de la Communication et de l’Information et le Centre opérationnel et analytique ont préparé une nouvelle réglementation, entrée en vigueur le 1er juillet qui met en place un système de filtrage pour contrôler l’accès à des sites considérés dangereux, notamment des sites « extrémistes » ou liés aux trafics d’armes, de drogue ou d’êtres humains, ainsi qu’à la pornographie ou appelant à la violence. Les sites incriminés seront bannis sur décision du ministère de la Communication, du Comité de contrôle d’État, du Centre analytique et opérationnel et seront rendus inaccessibles depuis les organisations publiques, les entreprises d’État et les cybercafés. Ils pourraient aussi être bloqués pour le reste des internautes au moyen des fournisseurs d’accès à Internet. Ces derniers ont jusqu’au 1er septembre pour se procurer l’équipement technique nécessaire.
Blocages et pressions
Le 6 juillet 2010, le site Internet Vitebsky Kuryer ( http://www.kurier.vitebsk.by ) a été bloqué par Beltelecom, fournisseur d’accès à Internet appartenant à l’État. Le site ne s’était pas enregistré auprès des autorités pour des raisons idéologiques. Il a été rendu inaccessible en vertu du décret n°60.
Le site d’informations en ligne de la ville de Vileika, http://vilejka.org , est bloqué suite à une enquête de police sur certains commentaires postés par des internautes. Le 1er juillet, la police a interrogé Mikalai Susla, l’un des utilisateurs du site, et lui a confisqué son ordinateur, le soupçonnant d’être à l’origine de l’un des commentaires insultants visant le proviseur du lycée de la ville. Mikalai Susla a déclaré à Reporters sans frontières qu’il pensait que le site avait été bloqué à cause de critiques envers la politique locale et gouvernementale. Il dénonce un lien entre ces poursuites et l’entrée en vigueur du décret 60.
Le 1er juillet 2010, Natallya Radzina, rédactrice en chef du site d’opposition http://charter97.org , a, de nouveau, été interrogée par la police à Minsk dans le cadre de poursuites judiciaires suite à un commentaire sur son site Internet. C’est le quatrième interrogatoire qu’elle subit en quatre mois.
En mars 2010, dans le cadre d’une autre affaire, la police avait saisi des ordinateurs et du matériel dans les bureaux de charter97.org , sans jamais les restituer à sa propriétaire, la journaliste Natallya Radzina.
Par ailleurs, le 23 juin 2010, neuf activistes du Nazbol (Parti national bolchevique) ayant manifesté sans autorisation sur la place de la Liberté, à Minsk, avec des panneaux et des t-shirts sur lesquels était inscrit « Liberté d’Internet » ont été arrêtés et jugés coupables « d’avoir violé la procédure d’organisation des manifestations ». Le leader, Yawhen Kontush, a dû payer une amende de 875 000 roubles biélorusses (236 euros). Les autres participants ont été condamnés à une amende de 175 000 roubles (47 euros) chacun.