Reporters sans frontières souligne l’urgence de dépolitiser la nomination des dirigeants de la Radio télévision publique géorgienne et de garantir l’indépendance éditoriale des rédactions du groupe public.
(RSF/IFEX) – Reporters sans frontières encourage les autorités géorgiennes à mener à bien toutes les réformes nécessaires pour garantir l’indépendance de la Radio télévision publique géorgienne (Общественный вещатель Грузии, GPB).
« Les licenciements politiques de ces dernières semaines soulignent l’urgence de dépolitiser la nomination des dirigeants de la GPB et de garantir l’indépendance éditoriale des rédactions du groupe public. Nous espérons vivement que la proposition de loi sur l’audiovisuel, récemment introduite au Parlement, apportera enfin toutes les garanties nécessaires. Les journalistes doivent pouvoir faire leur travail à l’abri des interférences politiques, au sein de l’audiovisuel public comme dans les médias privés. La perspective de l’élection présidentielle d’octobre 2013 rend cette nécessité encore plus impérieuse », a déclaré Reporters sans frontières.
La Géorgie est entrée dans une période de cohabitation politique depuis les élections législatives d’octobre 2012, remportées par le milliardaire Bidzina Ivanichvili, farouche opposant au Président Mikheïl Saakachvili. Bidzina Ivanichvili est devenu Premier ministre, mais la lutte politique se poursuit en vue de l’élection présidentielle d’octobre prochain, à laquelle Mikheïl Saakachvili ne peut pas se représenter.
Au lendemain des élections d’octobre 2012, le directeur général de la GPB, Georgiy Tchanturiya, a mis fin à ses fonctions et a été remplacé par Georgiy Baratachvili. Ce dernier a licencié, le 28 février 2013, la directrice du service de l’information, Khatuna Berdzenichvili (Хатуна Бердзенишвили), réputée proche du Mouvement national de Mikheïl Saakachvili. Mais le 4 mars, le nouveau directeur général a lui-même été congédié par le Conseil d’administration de la GPB, dont la majorité reste acquise au Président. Les membres du Conseil d’administration de la GPB sont en effet nommés par le Parlement sur proposition du Président de la République. Georgiy Baratachvili a annoncé son intention de contester son éviction devant les tribunaux.
Cette situation souligne si besoin était la nécessité de réformer le fonctionnement de la BPG. Media Advocacy Coalition, une plate-forme d’ONG, a récemment soumis au Parlement une proposition de loi sur l’audiovisuel. Ses représentants ont été auditionnés en commission parlementaire, le 7 mars 2013. Le texte devrait être débattu en plénière au printemps.
Dans sa version actuelle, la proposition de loi prévoit de modifier le mode de nomination des membres du Conseil d’administration pour les rendre moins dépendants de la majorité politique : leur nombre serait ramené de quinze à neuf, dont deux seraient désignés par l’Ombudsman, trois seraient élus par la majorité parlementaire et trois par les autres fractions parlementaires. Le président de la Radio Télévision de la République autonome d’Adjarie (Sud-Ouest) deviendrait automatiquement le neuvième membre. La proposition de loi délimite également les compétences et fonctions du Conseil d’administration et de la direction exécutive de la GPB, et clarifie les conditions d’embauche et de fin de contrat des dirigeants et des personnels.
La GPB est passée du statut de groupe d’Etat à celui d’organisme public en 2005. La plus grande part de son financement provient cependant toujours directement du budget de l’Etat. La GPB compte actuellement deux chaînes de télévision et deux stations de radio.
Les grandes chaînes de télévision géorgiennes sont le théâtre d’une guerre de l’information, accentuée par le contexte électoral. La chaîne Imedi, acquise en 2007 par des proches du Président Saakachvili, a été restituée à la famille de son actionnaire originel peu après les élections d’octobre 2012. La justice a ouvert une enquête pour transfert frauduleux d’actifs et blanchiment d’argent, impliquant le maire de Tbilissi (capitale). En novembre 2012, le premier ministre Bidzina Ivanichvili a déclaré envisager une fusion entre la GPB et la chaîne privée TV9, lancée en 2012 par son épouse, avant de se rétracter.
Dans un paysage médiatique aussi polarisé, la question de la transparence financière est cruciale. Reporters sans frontières espère que les réformes annoncées permettront de progresser sur ce point. En février 2013, le ministère des Finances a révélé que les principales chaînes de télévision privées réputées favorables au Président Saakachvili (Rustavi-2, Imedi et PIK), avaient bénéficié avant l’alternance de plusieurs milliers d’euros de remises d’impôts.
La Géorgie figure à la 100e place sur 179 pays dans le classement 2013 de la liberté de la presse, publié par Reporters sans frontières.