De nombreux observateurs considèrent que la presse indépendante a connu ses jours les plus noirs depuis l'invasion américaine en avril 2003.
(RSF/IFEX) – L’approche des élections législatives du 7 mars 2010 a renforcé les tensions, engendrant une recrudescence des violences à l’égard des journalistes indépendants et d’opposition au Kurdistan irakien. De nombreux observateurs considèrent que la presse indépendante au Kurdistan irakien a connu ses jours les plus noirs depuis l’invasion américaine en Irak en avril 2003.
Halgurd Samad, rédacteur en chef du magazine trimestriel Livin (publication indépendante la plus connue au Kurdistan irakien) se dit de plus en plus « préoccupé suite aux dernières violations de la liberté de la presse. Le nombre d’agressions est tel qu’il nous est pratiquement impossible de les recenser toutes ». Il souligne que « ces agressions sont injustifiées. Nous ne sommes pas les ennemis des autorités. Nous voulons au contraire aider le gouvernement à mettre fin à la corruption, à bâtir un Etat de droit. Mais pour cela, les autorités voudraient que nous cessions de les critiquer. Elles nous agressent parce qu’ils ont peur de notre pouvoir, peur que – suite à nos reportages – les citoyens se mettent eux aussi à dénoncer la corruption, peur ainsi de voir leur pouvoir contesté, laissant la place à une opposition forte. Le KDP et le PUK s’en prennent à nous parce que notre travail les dérange : les médias indépendants sont les seuls à dénoncer les pratiques de corruption, les jeux de pouvoir et d’alliance. »
Zirak Kamal, du Syndicat des Journalistes du Kurdistan et conseiller de presse de Dr. Barham Saleh, Premier ministre de Kurdistan irakien, exprime également son désaccord face aux pratiques d’intimidation à l’égard des médias indépendants, même si d’après lui, les autorités du Kurdistan font de leur mieux pour endiguer ces violences. « Nous allons demander à tous les journalistes de porter les affaires devant les tribunaux. Nous sommes prêts à tout mettre en œuvre pour les aider. Notre justice est indépendante. Tout le monde devra respecter les verdicts des tribunaux. »
Il a rappelé que le Premier ministre Dr. Barham Saleh est un ardent défenseur des médias indépendants: « Pour le Premier ministre, les médias indépendants sont les remparts de notre démocratie et de la sécurité nationale. Toutefois, nous ne pouvons ignorer les récents incidents. Aussi avons-nous décidé de demander au ministère de l’Intérieur d’ouvrir une enquête et de rechercher les agresseurs. »
Le 7 mars, jour du scrutin
Le 7 mars, Reporters sans frontières a recensé un grand nombre d’agressions à l’encontre de médias indépendants et d’opposition. Ce fut littéralement un jour noir pour la liberté de la presse dans la région.
Kawa Garmiyani, journaliste pour « Awene » à Kalar, a été agressé par les forces de l’ordre et interdit de prendre des photos.
Dans le district de Halabja (province de Suleimanieh), un journaliste de KNN a été agressé par les forces de sécurité du PUK le jour des élections.
D’après la Commission électorale indépendante, tous les journalistes avaient le droit d’accéder à tous les bureaux de vote afin d’y faire des reportages. Ils avaient également reçu l’autorisation de prendre des photos. Or, le jour du scrutin, les journalistes indépendants et d’opposition ont été interdits à la fois d’accéder aux bureaux de vote et de prendre des photos.
Des résidents de Suleimanieh ont même aidé un journaliste du site http://www.kurdiu.org (site officiel de l’Union islamique, Yekgirtu), Rabar Uzer, à échapper aux forces de l’ordre du PUK sans se faire confisquer sa caméra.
Akar Fars et Rzgar Muhsin, journalistes de la chaîne locale de Yekgirtu à Erbil, ont été brutalement agressés par les forces de l’ordre et placés en garde à vue pendant vingt minutes. Les forces de l’ordre ont cassé le logo de la chaîne et se sont emparées de leur caméra.
Ibrahim Ali, correspondant de « Livin » à Erbil, a été empêché de prendre des photos, alors même qu’il avait une accréditation de la Commission électorale indépendante.
Hemn Mamand, reporter à « Awene » à Erbil, a reçu par téléphone des menaces de mort provenant d’un numéro inconnu.
Shwan Sidiq, journaliste pour le magazine « Civil » à Erbil, a été agressé par les forces de l’ordre. « Je prenais des photos lorsque les forces de sécurité m’ont sauté dessus et ont arraché mon appareil photo », a-t-il déclaré à Reporters sans frontières.
Les journalistes de Speda TV à Bazyan (district de Kalar) ont également été agressés par des agents du PUK.
Le porte-parole de l’Emir de l’Union islamique a fermement condamné les violences perpétrées par les forces de sécurité du KDP à l’encontre des médias qui accompagnaient l’Emir de l’Union islamique, Salahadin Bahadin, lorsque ce dernier est allé voter.
Ari Othman, journaliste pour Rudaw, a été attaqué à Erbil par un groupe d’individus en civil.
Anwar Sabah, correspondant pour la chaîne satellitaire Payam, a été interdit de filmer à Erbil certains incidents.
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