Un engouement pour le Web, associé à la peur des mouvements sociaux, a conduit le gouvernement à mener une politique d'amélioration continue de la censure.
(RSF/IFEX) – le 31 août 2011 – Alors que la 10e conférence de l’Internet en Chine s’est tenue le 23 août 2011 à Beijing, le contrôle d’Internet se renforce encore et toujours dans le pays.
L’utilisation d’Internet s’est considérablement développée en Chine depuis quelques années. Le pays compte un demi-millard d’internautes, et si Facebook et Twitter sont censurés, Sina Weibo, le site de microblogging chinois, regroupe désormais plus de 200 millions d’utilisateurs. Cet engouement pour le Web, associé à la peur des mouvements sociaux, a conduit le gouvernement à mener une politique d’amélioration continue de la censure. Ainsi, à titre d’exemple, le magasine Forbes a révélé que Weibo emploie une centaine de personnes chargée de surveiller les contenus publiés, 24 heures sur 24.
Reporters sans frontières passe en revue les dernières « innovations » chinoises en matière de censure et de contrôle du Net.
Cyberattaques
En août 2011, les experts en sécurité de McAfee ont révélé une série de cyber-attaques de grande ampleur, en cours depuis 2006. La Chine est encore une fois fortement suspectée. Pour Jim Lewis, un expert en sécurité : « tout désigne la Chine ». La thèse semble se confirmer puisque, dans un reportage de la chaîne d’Etat CCTV-7 sur les cyber-attaques, le 17 juillet 2011, les images montrent un utilisateur opérer une attaque de type DDOS contre un site du mouvement Falun Gong, interdit en Chine. La page de la vidéo est désormais inaccessible.
Mi-août 2011, suite à l’immolation par le feu de Tsewang Norbu, un jeune moine tibétain, les autorités chinoises auraient également mené une vague de cyber-attaques contre les médias tibétains. Suite à l’immolation, en mars 2011, d’un autre jeune moine, Phuntsog, à Kirti, les autorités avaient déjà renforcé leur dispositif de censure. Selon le média Free Tibet, les lignes téléphoniques de la région avaient été temporairement coupées et les cybercafés fermés.
Censure économique des cybercafés
Continuant sur sa lancée, le gouvernement a également imposé aux fournisseurs d’accès Wi-Fi public de mettre en place un logiciel de traçage des internautes particulièrement onéreux. Non contentes de renforcer le contrôle du trafic Internet, les autorités mettent désormais en place une censure économique, en forçant de petits commerces à renoncer à leur offre Wi-Fi, faute de fonds pour implanter les nouvelles mesures.
Un Internet « sain »
Le 8 août 2011, l’agence Xinhua a rapporté que les autorités chinoises souhaitaient renforcer les règles d’accès à Internet, afin de garantir « un Internet sain » pour les générations futures. Dans son Plan pour le développement des enfants chinois, prévu jusqu’en 2020, le gouvernement souhaite notamment utiliser un logiciel supplémentaire destiné aux enfants afin de « filtrer les contenus dangereux ». Ce même plan prévoit que l’accès aux cybercafés soit interdit aux mineurs.
Dans la même optique, le secrétaire du parti à Pékin, Liu Qi, a demandé le 22 août, lors d’une visite au siège de Sina Corp., que les entrepreneurs du Web ressèrent leur contrôle des informations circulant sur Internet. La même semaine, la Beijing Internet Media Association a publié un appel sans équivoque : « les informations en ligne doivent être dignes de confiance et ne doivent pas diffuser de rumeurs ou de contenu vulgaire. » Une recommandation que le site de microblogging Weibo s’est empressé d’appliquer, en commençant par fermer le compte d’internautes diffusant de « fausses rumeurs » pendant un mois.
Contournement de la censure
Les internautes chinois, qui restent très actifs sur la toile, se familiarisent avec l’utilisation des moyens de contournement de la censure, un phénomène que les autorités, mais aussi certains entreprises, comptent bien endiguer. Le site commercial Taobao.com a décidé, le 23 août 2011, d’arrêter la vente de VPN et de proxies, sans avoir pourtant reçu d’ordre des autorités à ce sujet. Reporters sans frontières s’inquiète de ce que les entreprises devancent désormais les ordres du gouvernement en matière de contrôle des internautes.
Arrestation et répression
Les arrestations et condamnations de net-citoyens continuent de se multiplier.
Wang Lihong est passée devant la justice le 12 août pour tentative d’organisation d’un rassemblement. Le verdict sera annoncé en septembre. Elle risque 5 ans de prison.
Le net-citoyen Hu Di, disparu depuis le mois de mars, est en réalité placé en hôpital psychiatrique, alors qu’il ne souffre d’aucune maladie mentale. Considérablement affaibli, il garde tout de même un bon moral, selon un autre cyberdissident, Zheng Tao, qui a pu lui rendre visite. Ce déplacement lui a valu d’être arrêté par les autorités. Il est en détention depuis le 21 août 2011.
Les net-citoyens Ding Mao et Chen Wei, arrêtés les 19 et 20 février 2011, sont quant à eux toujours détenus. Ils ont été présentés pour la deuxième fois à un procureur en mi-août. Les autorités doivent maintenant décider de leur remise en liberté ou de leur passage en justice.
Reporters sans frontières prend note de la libération, au terme de sa peine de 4 ans de prison, du cyberdissident Liü Gengsong, le 23 août 2011.
Reporters sans frontières demande que tous les net-citoyens emprisonnés soient immédiatement relâchés, et que les charges à leur encontre soient abandonnées.
La Chine fait partie de la liste des Ennemis d’Internet établie par Reporters sans frontières, et est placée 171ème sur 178 pays dans le classement mondial de la liberté de la presse.