Au Kasaï central, les journalistes qui rapportent sur les massacres commis par les miliciens du groupe “Kamuina Nsapu” et les Forces armées de la RDC (FARDC) font face à des menaces de mort immédiates.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 21 février 2017.
Au Kasaï central, les journalistes qui rapportent sur les massacres commis par les miliciens du groupe “Kamuina Nsapu” et les Forces armées de la RDC (FARDC) font face à des menaces de mort immédiates.
Les images atroces des soldats des FARDC massacrant un groupe de personnes armées de simples bâtons et lances-pierres dans la province du Kasaï central ont fait le tour des réseaux sociaux ces derniers jours. Mais cette vidéo, apparemment filmée par un soldat congolais, est l’un des rares témoignages les plus récents des violences dûes aux soldats et aux groupes d’auto-défenses locaux, qui endeuillent la région depuis de nombreux mois déjà. Avant que ce document ne rende indéniable les massacres en cours dans la région, il était quasiment impossible aux journalistes de l’évoquer et c’est encore à ce jour, une cause immédiate de menaces.
Au moins quatre journalistes de la région de Kananga ont ainsi été pris à partie au cours de la semaine passée. Deux d’entre eux ont dû fuir la région pour se mettre à l’abri. Une omerta assumée aux plus hauts échelons de l’Etat, puisque le ministre de l’Information congolais, Lambert Mendé, a lui-même qualifié cette vidéo de supposé “montage” avant de reconnaître certains “excès” de la part des soldats congolais.
“Nous demandons à toutes les parties au conflit de respecter le droit des journalistes à enquêter et à informer la population congolaise et le monde des atrocités au Kasaï Central, déclare Clea Kahn-Sriber de Reporters sans frontières. Témoins essentiels, ces derniers doivent pouvoir travailler librement afin d’informer et de dénoncer ces massacres de population qui se déroulent en toute impunité”.
Dans un communiqué publié le 13 février 2017 Journaliste en Danger (JED), organisation partenaire de RSF, avait déjà dénoncé les menaces dont faisaient l’objet deux journalistes de la région.
Sosthène Kambidi de la Radio Télévision Chrétienne (RTC), de Kananga, chef-lieu de la province du Kasaï Central avait été suivi et menacé par des soldats congolais pour avoir publié des informations faisant état du massacre d’une trentaine de personnes commis par des miliciens locaux du groupe “Kamuina Nsapu”. Fabrice Mfwamba, de la Radio Communautaire Moyo, station de Tshimbulu, à 160 Km de Kananga avait lui été menacé par des miliciens après avoir informé d’une opération des FARDC contre lesdits miliciens. Ils l’accusaient de collaboration avec les FARDC…
Depuis cette publication, les menaces se sont poursuivies. André Kambala de la radio onusienne, Radio Okapi a ainsi été pris à partie verbalement par le directeur provincial de la Direction générales de migrations (DGM) pour avoir évoqué les violences. Berry Mulanda de la radio communautaire Dibaya Tabala de Tshimbulu, épicentre des violences, a été menacé de décapitation par les miliciens de la localité.
Depuis le 12 août 2016 et l’assassinat par des policiers congolais du chef coutumier Kamina Nswapu de la région de Tshimbulu, qui contestait l’autorité du gouvernement de Kabila, ses partisans ont pris les armes contre les forces de l’ordre. Plusieurs Etats ont condamné ces violences et appelé le gouvernement congolais à enquêter sur les massacres. Le gouvernement congolais continue de dénoncer des manipulations et se cache derrière sa souveraineté pour repousser les appels à la justice.
L’étau se resserre sur les médias dans le pays alors que le gouvernement est critiqué par l’opposition, la société civile et les observateurs internationaux, pour son manque de bonne volonté dans les négociations en cours pour la constitution d’un gouvernement de transition. Pour rappel, le signal de Radio France Internationale (RFI) à Kinshasa est maintenant coupé depuis plus de quatre mois.
La RDC occupe le 152ème rang sur 180 pays au Classement de la liberté de la presse 2016 établi par RSF.