Au lendemain des premières élections libres et démocratiques de l'histoire du pays depuis 52 ans, ARTICLE 19 publie son rapport sur la liberté d'expression et de la presse.
(ARTICLE 19/IFEX) – Le 13 juillet 2010 – Au lendemain du premier tour des élections présidentielles, les premières libres et démocratiques de l’histoire du pays depuis 52 ans, ARTICLE 19 publie son rapport sur la liberté d’expression et de la presse en Guinée.
Le rapport est le produit d’une mission effectuée par ARTICLE 19 à la suite des événements du 28 septembre 2009 où plus de cent cinquante personnes ont été tuées ou blessées, et des femmes et filles ont été violées pour avoir participé à une marche pacifique contre la candidature du Capitaine Moussa Dadis Camara à l’élection présidentielle.
Ce rapport intitulé Guinée : Les Journalistes Victimes Oubliées Des Exactions relate les exactions, intimidations et harcèlements subis par les journalistes guinéens pendant et après les événements du 28 septembre et analyse les causes profondes de tels actes restés impunis.
ARTICLE 19 analyse également le cadre juridique qui régit la liberté d’expression au cours de ces dernières décennies et se félicite de son amélioration avec les deux lois sur la liberté de la presse et la création de la Haute Autorité de la Communication (HAC) du 22 juin 2010 promulguées par le Conseil National de la Transition.
« Tout en reconnaissant les aspects positifs des nouvelles lois sur les médias notamment la suppression des peines privatives de liberté pour délit de presse et les améliorations dans les critères de sélection des membres de l’organe de régulation des medias entres autres, ARTICLE 19 reste préoccupée par le maintien d’un certain nombre de restrictions incompatibles avec les normes internationales et bonnes pratiques », souligne Dr Agnès Callamard, Directrice Exécutive d’ARTICLE 19
« Les délits d’offense au Chef de l’Etat, d’injure, de fausses nouvelles ne doivent pas figurer dans une loi moderne. Les autorités guinéennes doivent saisir l’occasion du renouveau qu’offre la transition démocratique pour abroger toutes les dispositions qui limitent indûment la liberté de la presse », conclue Dr Callamard.
Les recommandations du rapport vont à l’endroit du gouvernement qui sera issu des élections, des médias et journalistes, des ONGs, des institutions régionales africaines et des partenaires au développement.
Le rapport d’ARTICLE 19 recommande notamment au gouvernement qui sera issu des élections:
– d’adopter un cadre juridique favorable à la liberté d’expression, de la presse et à l’accès à l’information conformément aux normes internationales les plus élevées ; en particulier la modification des dispositions législatives dans la nouvelle loi telles que les dispositions sur les délits de presse comme l’injure, la sédition, l’offense au Chef de l’État, la diffusion de fausses nouvelles, l’abrogation des dispositions qui renforcent la protection des personnes publiques en cas de diffamation;
– d’adopter au plus vite une loi sur l’accès à l’information.
– de transformer les medias gouvernementaux en de véritables medias de service public dotés d’une indépendance organique et fonctionnelle et de moyens financiers adéquats.
– de donner des instructions claires aux forces de sécurité afin que celles-ci agissent constamment dans le respect du droit international relatif aux droits humains ; le respect du droit à la vie et l’interdiction absolue de la torture et des autres mauvais traitements, conformément aux instruments internationaux.
– de renforcer l’indépendance de l’organe de régulation des medias, en dotant la HAC de tous les moyens nécessaires pour mener à bien sa mission de régulation dans l’impartialité et la compétence.
Aux medias et journalistes de Guinée, le rapport recommande de renforcer le respect des règles éthiques et de déontologie ainsi que le refus de toute pratique de corruption. Ceux ci sont invités à prendre en compte l’intérêt public dans la collecte et le traitement de l’information ; et à éviter le traitement ethnocentrique de l’information et la discrimination ethnique de toute nature par voie de presse.
Le rapport, après avoir noté avec inquiétude que la majeure partie des journalistes en Guinée mais aussi en Afrique de l’ouest n’ont jamais suivi de formation à la sécurité -alors que leur mission les expose à travailler dans des environnements hostiles- recommande de développer un module sur la sécurité des journalistes adapté pour la Guinée et la sous région ouest africaine.