(RSF/IFEX) – Reporters sans frontières ne se satisfait pas de la liberté de la presse à géométrie variable dont témoignent les premiers mois de l’année 2006 au Brésil. Par opposition à la presse nationale, les médias provinciaux restent fortement exposés à l’insécurité et aux multiples pressions et abus de pouvoir d’autorités locales. « Il n’y a […]
(RSF/IFEX) – Reporters sans frontières ne se satisfait pas de la liberté de la presse à géométrie variable dont témoignent les premiers mois de l’année 2006 au Brésil. Par opposition à la presse nationale, les médias provinciaux restent fortement exposés à l’insécurité et aux multiples pressions et abus de pouvoir d’autorités locales.
« Il n’y a aucune commune mesure entre l’exercice du journalisme au sein d’un média national et au sein d’une rédaction locale ou régionale. Reporters sans frontières ne fait pas de différence entre « petits » et « grands » médias quand la liberté de la presse est en jeu. Il est urgent que les gouvernements des Etats dans lesquels les journalistes sont le plus exposés répriment les attaques contre la presse, trop souvent commises par leurs fonctionnaires. Il appartient également au gouvernement fédéral d’y veiller et de garantir, au niveau juridique, un équilibre global entre les législations sur la presse dans les différents Etats. Nous apportons notre soutien aux journalistes de province et espérons que leurs revendications, exprimées à l’occasion du prochain « jour du journaliste », le 7 avril 2006, retiendront l’attention qu’elles méritent », a déclaré Reporters sans frontières.
Le 15 mars, Alexandro Auler, photographe du quotidien « Jornal do Commercio », a été agressé par deux surveillants du centre pénitentiaire de São João dans l’Etat du Pernambouc (Nord-Est), où il effectuait un reportage. Les deux hommes ont séquestré le journaliste dans une cellule, l’ont menacé et ont endommagé son matériel.
Le 8 mars, Rudimar de Freitas Rosales, délégué de police régionale, a menacé Luciamem Caiaffo Winck, Luis Gonçalves et Jurema Josefa, du quotidien « Correio de Povo », pour les forcer à révéler leurs sources après qu’ils avaient couvert l’occupation d’un site industriel par des paysans sans terre à Barra do Ribeira, dans l’Etat du Río Grande do Sul (extrême Sud).
Le recours aux écoutes téléphoniques des médias afin de connaître l’origine de leurs informations reste un thème sensible. Dans une lettre adressée le 26 janvier 2006 au ministre fédéral de la Justice Márcio Thomaz Bastos, Reporters sans frontières avait exprimé son inquiétude concernant un projet de loi généralisant les tables d’écoute, qui devait alors être présenté au Congrès à Brasilia. Le texte est depuis resté en suspens mais localement, le procédé reste en vigueur.
Ainsi, le 17 mars, selon la Fédération nationale des journalistes (Fenaj), le Conseil de défense des droits de la personne humaine (CDDPH) a diligenté une enquête auprès des autorités de l’Etat de Espírito Santo (Sud-Est) après la mise sur écoutes d’une centaine de journalistes du groupe de presse Rede Gazeta. Le Conseil avait été saisi par le ministre fédéral de la Justice devant le tollé suscité par l’affaire, bien que les écoutes aient été réalisées sur autorisation d’un magistrat.
Par ailleurs, l’insécurité continue d’être le lot quotidien des journalistes locaux. Le syndicat des journalistes de l’Etat du Pará (Nord) a recensé pas moins de quatre attaques à main armée commises contre des journalistes du quotidien « O Liberal » à Belém (capitale de l’Etat) entre janvier et mars. Dernier cas en date : le 3 mars, Alexandra Jamile et le photographe Antônio Silva ont été agressés et menacés à l’aide de pistolets par deux individus alors qu’ils réalisaient un sujet sur le retraitement des eaux dans le quartier de Sacramenta, réputé à risque. Les agresseurs ont exigé que le photographe leur remette son matériel. La police a néanmoins retrouvé l’appareil dérobé.
Deux journalistes ont été tués au cours du trimestre. André Felipe, qui travaillait pour les stations Mega 94 et Cultura AM, a été assassiné par arme à feu à Campo Grande (Centre-Ouest), le 4 février. La piste professionnelle a été écartée depuis que les meurtriers présumés, Ronaldo Everaldo Ferreira Marinho et Bruno da Silva Galvão, deux militaires d’active, ont reconnu avoir voulu « faire peur » à la victime et la dépouiller.
Toujours dans l’Etat du Mato Grosso do Sul, à Ponta Porã (frontière paraguayenne), José Késsio, d’Amambay FM, a été abattu, le 13 mars, de onze balles de calibre 9 millimètres par un individu venu le trouver à son local radio. Selon les informations recueillies par Reporters sans frontières, le fils de la victime, âgé de dix ans et témoin direct de l’assassinat, a formellement reconnu Renato José Fonseca Chiodi, un camarade d’enfance de son père et ancien voisin. Le meurtrier présumé est un repris de justice, évadé de prison depuis 2003. Il aurait trouvé refuge au Paraguay voisin. L’hypothèse d’un règlement de comptes personnel est privilégiée mais c’est la deuxième fois en six mois qu’Amambay FM perd un journaliste. Associé de José Késsio, Fábio Soares Barbosa avait été tué dans des conditions similaires le 16 septembre 2005. Un troisième journaliste, Samuel Román, directeur de Conquista FM, avait été assassiné le 20 avril 2004 dans cette même région frontalière, où sévit le crime organisé.