(RSF/IFEX) – Dans une lettre adressée au président Jean-Bertrand Aristide, RSF a dénoncé les agressions contre des médias et des journalistes par des partisans du gouvernement descendus dans la rue pour soutenir le pouvoir aux prises avec une tentative de coup d’État. « Le caractère systématique des agressions démontre que les manifestants avaient reçu des instructions […]
(RSF/IFEX) – Dans une lettre adressée au président Jean-Bertrand Aristide, RSF a dénoncé les agressions contre des médias et des journalistes par des partisans du gouvernement descendus dans la rue pour soutenir le pouvoir aux prises avec une tentative de coup d’État. « Le caractère systématique des agressions démontre que les manifestants avaient reçu des instructions pour s’en prendre à la presse », s’est inquiété Robert Ménard, secrétaire général de RSF. Rappelant le cas du journaliste assassiné Brignol Lindor, Ménard a dénoncé la « stratégie visant à assimiler la presse à l’opposition afin de légitimer les attaques à son encontre ». RSF a demandé au Président de tout mettre en oeuvre pour garantir la sécurité des journalistes et permettre aux radios de reprendre normalement leurs émissions. L’organisation a également demander au chef de l’État de donner des consignes afin que ses partisans cessent de s’en prendre à la presse.
Lindor, de Radio Echo 2000, avait été assassiné le 3 décembre 2001 par des proches de Fanmi Lavalas, le parti du Président, après avoir donné la parole à des représentants de l’opposition (consulter des alertes de l’IFEX des 11, 5 et 4 décembre 2001). Selon l’Association des journalistes haïtiens (AJH), depuis le mois d’octobre, une trentaine de journalistes ont été menacés ou agressés par des partisans du gouvernement qui leur reproche leurs critiques à l’égard du pouvoir.
Selon des informations recueillies par RSF, dans la matinée du 17 décembre, au moins une dizaine de journalistes, parmi lesquels Thony Bélizaire, photographe de l’Agence France Presse (AFP), Patrick Moussignac, Gérin Alexandre, Jean-Elie Moléus, respectivement directeur et reporters de Radio Caraïbes FM, et Guyler Delva, président de l’AJH, ont été pris à partie par des proches de Fanmi Lavalas venus soutenir le gouvernement aux prises avec une tentative de coup d’État. À l’appel de la présidence, plusieurs milliers de partisans d’Aristide, se sont rassemblés devant le palais présidentiel. Très excités, les manifestants, armés de machettes, de bâtons et de revolvers, ont obligé les journalistes à quitter les lieux sous la menace. Selon plusieurs observateurs, ils reprochent à la presse d’être trop critique à l’égard du pouvoir. Par ailleurs, deux véhicules appartenant à la chaîne de télévision Telemax et à Radio Métropole ont également été pris à partie aux abords du palais présidentiel.
Invoquant des menaces, Radio Métropole, Radio Vision 2000, Radio Caraïbes FM et Radio Kiskéya, quatre stations privées de la capitale, ont cessé d’émettre pour des raisons de sécurité tandis que d’autres, telles que Radio Galaxie, Signal FM et Radio Ibo, suspendaient la diffusion de leurs programmes d’information. Des manifestants ont attaqué les locaux de Radio Caraïbes, brisant les vitres de ses bureaux. Plusieurs journalistes ont été menacés par des partisans du pouvoir qui cherchaient avant tout à identifier pour quel média ils travaillaient. « Nous vous aurions abattu si vous êtiez un journaliste de Radio Caraïbes », ont ainsi déclaré des manifestants à Maxeau Exil, de l’agence en ligne Haïti Press Network, qu’ils menaçaient d’une arme. Roger Damas, de Radio Ibo, a été forcé de remettre sa carte de presse et son cellulaire par des manifestants qui ont assimilé Radio Ibo à l’opposition. Le journaliste est parvenu à prendre la fuite. Un rassemblement a également eu lieu devant la radio Signal FM. D’après Delva, craignant des représailles, plusieurs journalistes seraient restés chez eux. En province, au moins deux professionnels de l’information ont été agressés et la station Radio Maxima, qui émet au Cap Haïtien (Nord), a été obligé de suspendre ses émissions.
Les manifestants s’en sont également pris aux locaux de la Convergence démocratique, du Konakom et de la Kid, trois organisations de l’opposition.
À l’aube, des hommes armés avaient attaqué le palais présidentiel de Port-au-Prince. D’après l’AFP, les assaillants étaient dirigés par Guy Philippe, un ancien commissaire de police déjà accusé de complot à l’été 2000 et exilé par la suite en République dominicaine puis en Équateur. Selon la présidence, les forces de l’ordre ont repris le contrôle du palais dans la matinée, après avoir donné l’assaut.