L’interdiction des médias indépendants et d’opposition est justifiée au nom de la « propagande de l’extrémisme » . La pression des autorités à leur encontre s'est fortement renforcée depuis les émeutes à Janaozen en 2011 .
(RSF/IFEX) – 21 novembre 2012 – Reporters sans frontières est atterrée par l’intention affichée par le Parquet général kazakh, ce 21 novembre 2012, de faire interdire les principaux médias nationaux indépendants et d’opposition.
« Nous demandons instamment au tribunal d’Almaty de rejeter cette requête extrêmement dangereuse pour la liberté de l’information au Kazakhstan. Si elle devait être satisfaite, le pluralisme cesserait tout simplement d’exister dans ce pays. Sous prétexte de lutte contre l’extrémisme, c’est une attaque sans précédent lancée par les autorités contre les voix critiques », a déclaré l’organisation.
« La communauté internationale doit réagir de manière très ferme à ce nouveau signe de la dérive répressive d’Almaty. Lorsque ce géant régional se sera complètement aligné sur le modèle ultra-autoritaire de ses voisins ouzbek ou turkmène ,
il sera trop tard. Il est particulièrement ironique que le Kazakhstan figure parmi les dix-huit nouveaux membres du Conseil des droits de l’homme des Nations-Unies, élus le 12 novembre 2012. Si la justice kazakhe interdit effectivement les médias indépendants, nous demanderons officiellement l’exclusion du pays de cette instance », a conclu Reporters sans frontières.
Cette annonce a été faite lors d’une conférence de presse tenue le 21 novembre 2012 par le porte-parole du Parquet général, Nourdaoulet Souindikov . Ce dernier a déclaré que le parquet d’Almaty (capitale) avait demandé la veille à la justice de reconnaître le caractère « extrémiste » de deux partis d’opposition, Alga et Khalyk Maydany, et de mettre fin à l’activité des principaux médias indépendants du pays : les journaux Respublika et Vzglyad, la chaîne de télévision satellitaire K+ ainsi que le portail d’information Stan.tv . L’interdiction demandée s’applique aux multiples titres sous lequel paraît Respublika du fait de la répression dont il est l’objet , et à l’ensemble des sites Internet des médias concernés.
La démarche du parquet se fonde sur la condamnation à sept ans et demi de prison du leader du parti Alga, Vladimir Kozlov, confirmée en appel le 19 novembre 2012. Cette condamnation fait suite aux émeutes de travailleurs du secteur pétrolier à Janaozen (Ouest), réprimées dans le sang en décembre 2011 .
La justice tente depuis près d’un an de faire passer cet événement pour une tentative de coup d’Etat fomentée par l’opposition, et appuyée par certains médias. L’interdiction des médias indépendants et d’opposition est justifiée au nom de la « propagande de l’extrémisme », sur le fondement de l’article 13 de la loi sur les médias de masse.
« Le contenu implicite des publications […] était destiné à encourager la haine sociale » ; « l’analyse de [leur] contenu a démontré la présence de propagande en faveur de la prise du pouvoir par la force et de la destruction de la sécurité de l’Etat », précisait le jugement condamnant Vladimir Kozlov, rappelé par le porte-parole du Parquet général.
Respublika, Vzglyad, K+ et Stan TV constituent les principales sources d’information indépendante au Kazakhstan. Sur fond de guerre de succession au sommet et de mécontentement social, la pression des autorités à leur encontre s’est fortement renforcée depuis les événements de Janaozen. Arrestations, convocations par les services de sécurité , « inspections » de toutes natures et menaces diverses se sont multipliées.
Classé à la 154e place sur 179 pays dans le dernier classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières, le Kazakhstan est en outre placé « sous surveillance » par l’organisation pour son recours croissant à la cybercensure.
L’accusation d’« extrémisme » a déjà servi à justifier le blocage, en août 2011, de la plate-forme de blogs LiveJournal , très populaire dans le pays.