L'IFEX se joint à Reporters sans frontières (RSF) et d'autres ONG de défense des droits de l'homme en appellant la Commission européenne, le Conseil européen, le Conseil de l'Union européenne et le Parlement européen à adopter de nouvelles recommandations pour le Bélarus.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 9 février 2021.
Reporters sans frontières (RSF) et dix autres ONG de défense des droits de l’homme appellent la Commission européenne, le Conseil européen, le Conseil de l’Union européenne et le Parlement européen à adopter de nouvelles recommandations pour le Bélarus.
Ursula Von der Leyen, présidente de la Commission européenne
Charles Michel, président du Conseil de l’Europe
David Sassoli, président du Parlement européen
Antonio Costa, Premier ministre portugais, en charge de la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne
Objet : La réponse européenne face à la répression sans précédent des médias au Bélarus
Paris, le 9 février 2021
Madame la présidente, Messieurs les présidents,
Nous, ONG défendant les droits humains et la liberté d’informer, considérons qu’il est capital de vous faire part de notre très vive inquiétude à propos de la répression sans précédent des médias au Bélarus, et ce en dépit des condamnations de la communauté internationale.
Depuis le 9 août 2020, nous avons recensé 400 cas de journalistes arrêtés pour avoir simplement exercé leur mission consistant à couvrir les grandes manifestations pacifiques contre la réélection frauduleuse du président Alexandre Loukachenko. Au moins 62 cas de violence physique contre des journalistes ont été enregistrés depuis cette date, et 11 journalistes sont actuellement derrière les barreaux. Les arrestations de journalistes mènent de plus en plus à des condamnations, la durée des détentions préventives ne fait que croître et les journalistes font souvent l’objet de mauvais traitements durant leur incarcération, même brève.
L’Union européenne s’est exprimée sur la nature frauduleuse de cette réélection et la violente répression en cours en imposant progressivement des sanctions au Bélarus, en particulier contre des personnes identifiées comme responsables d’actes de répression et d’intimidation envers des journalistes.
Nous pensons qu’en adoptant ces mesures restrictives, l’Union européenne a fait un pas dans la bonne direction. Nous pensons aussi que malheureusement, ces sanctions ne suffiront pas à mettre un terme à la répression.
Au Bélarus, loin de diminuer, les tentatives de réduire au silence tout propos critique ou objectif se poursuivent. Les autorités ont aujourd’hui recours aux poursuites pénales contre les journalistes qui travaillent pour les derniers médias indépendants qui subsistent dans le pays. Plusieurs journalistes, dont six femmes, ont récemment été inculpés pour avoir « organisé et préparé des événements ayant sérieusement troublé l’ordre public » et risquent jusqu’à sept ans de prison.
Après six mois de cette répression sans précédent, la communauté internationale et l’Union européenne ne peuvent que constater que les mesures adoptées n’ont pas suffi à prévenir la dernière surenchère autoritaire des autorités biélorusses. Au cours d’une réunion au format Arria du Conseil de sécurité de l’Union européenne, le 22 janvier, une vingtaine d’Etats membres ont condamné la répression croissante contre les voix critiques et déploré le manque de coopération des autorités biélorusses, ainsi que leur non-respect des obligations internationales en matière de liberté d’expression et d’opinion, dont fait partie la sécurité des journalistes.
En conséquence, nous exhortons vos institutions européennes et les Etats membres à adopter les recommandations suivantes, dans l’esprit de celles du rapport Benedek (1), en octobre 2020 :
– geler tous les déboursements d’assistance financière au gouvernement du Bélarus effectués sous l’Instrument de voisinage européen (2), tant que les valeurs communes et les valeurs fondamentales universelles de l’Etat de droit et des droits humains ne sont pas respectées ;
– continuer d’imposer des sanctions économiques et d’autres mesures restrictives sur les individus et les entités impliqués dans ou soutenant les violations des normes électorales et de la loi sur les droits humains internationaux, en particulier les violations de la liberté d’expression et de la liberté des médias ;
– suspendre la totalité ou une partie du financement européen du gouvernement biélorusse en raison de la grave ou constante détérioration de la démocratie, des droits humains ou de l’Etat de droit dans le pays. A cette fin, accélérer l’adoption par le Parlement et le Conseil européens de la régulation offrant cette possibilité à la Commission dans le cadre de sa politique de voisinage ;
– offrir et accroître l’assistance aux journalistes et aux professionnels des médias menacés, comme par exemple un passage sûr à travers leur territoire, un refuge et des soins médicaux si nécessaire ;
– soutenir les médias indépendants travaillant au Bélarus ou pour le Bélarus, à travers un mécanisme dédié.
Le 17 décembre 2020, l’Union européenne a déclaré (3) qu’elle était prête « à apporter son soutien à une transition démocratique pacifique à l’aide d’une variété d’instruments, dont un plan global de soutien économique pour un Bélarus démocratique » et « à adopter des sanctions supplémentaires, notamment contre d’autres acteurs économiques, si la situation au Bélarus ne s’améliorait pas ».
En l’absence manifeste d’amélioration au Bélarus, nous espérons que l’Union européenne tiendra ses promesses.
Dans l’attente d’une réponse claire de votre part sur ces sujets, veuillez recevoir l’expression de nos sincères salutations,
- Rapport du Rapporteur de l’OSCE sous le mécanisme de Moscou sur les violations graves supposées en matière de droits humains sur les élections présidentielles du 9 août 2020 au Bélarus, disponible ici.
- Sauf assistance allouée au soutien d’organisations de la société civile et aux acteurs non-étatiques pour des actions promouvant les droits humains et les libertés fondamentales.
- https://www.consilium.europa.e… of-sanctions-over-ongoing-repression/
Liste des signataires :
- Christophe Deloire (RSF)
- Clothilde Redfern (Rory Peck Trust)
- Jessica Ní Mhainín (Index on Censorship)
- Laurens Hueting (European Centre for Press and Media Freedom)
- Leon Willems (Free Press Unlimited)
- Sarah Clarke (ARTICLE 19)
- Annie Game (IFEX)
- Scott Griffen (IPI)
- Polina Sadovskaya (PEN America)
- Sara Whyatt (PEN International)
- Andrew Heslop (WAN-IFRA)