Aucun journaliste ne devrait craindre de représailles pour son travail d'enquête et d'information, souligne RSF.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 20 décembre 2018.
Le ministre d’Etat aux Affaires présidentielles a menacé de prison le fondateur de FrontPageAfrica, premier journal d’investigation du pays, après la publication d’une enquête révélant des dépenses douteuses du gouvernement. Reporters sans frontières (RSF) demande au Président George Weah de respecter ses engagements en faveur de la liberté de la presse et de la lutte contre la corruption en condamnant ces propos sans réserve.
Quelques heures seulement après la sortie d’une enquête publiée lundi 17 décembre par le très populaire quotidien FrontPageAfrica (FPA), le ministre d’Etat aux Affaires présidentielles Nathaniel McGill, a affirmé que son fondateur Rodney Sieh « irait en prison » et que son journal qu’il considère comme « une entité criminelle » serait poursuivi en justice pour « avoir terni sa réputation ».
Dans son enquête, FPA révèle des projets de dépenses douteux impliquant plusieurs ministères. Documents et photos à l’appui, le journal d’investigation rapporte notamment l’autorisation d’un paiement de 180 000 dollars vers une entreprise n’existant plus depuis 2003. Le ministre d’Etat aux Affaires présidentielles a démenti être à l’origine de ces dépenses mais son homologue des Finances, tout en dénonçant de « fausses informations », a reconnu que ce paiement était « toujours en cours ».
« Aucun journaliste ne devrait craindre de représailles pour son travail d’enquête et d’information, souligne Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique. Les journalistes qui révèlent l’existence de telles pratiques sont des alliés pour la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption dont le président George Weah avait fait des priorités dans son tout premier discours officiel en tant que Chef d’Etat. Un an après son élection, nous lui demandons de condamner ces propos sans réserve. »
Des enquêtes qui dérangent
Le 9 avril dernier, l’équipe entière du quotidien FrontpageAfrica avait été arrêtée et auditionnée par la Cour civile après la publication d’une annonce à l’origine d’une plainte en diffamation. Cette annonce avait été diffusée dans d’autres journaux mais seul FPA fait l’objet de poursuites dans cette affaire. Les plaignants, des proches du parti au pouvoir, réclament 1,6 million d’euros de dommages et intérêts.
Depuis le lancement de FrontPageAfrica en 2005, son fondateur Rodney Sieh a été inquiété à de multiples reprises par la justice à la suite d’enquêtes sur la corruption des élites et les dysfonctionnements de l’Etat. En 2013, son journal avait été interdit de parution pendant trois mois. Rodney Sieh avait lui-même passé quatre mois en détention après avoir été condamné à cinq mille années de prison pour ne pas avoir pu s’acquitter d’une amende d’un million d’euros pour diffamation. En 2014, RSF l’avait consacré « héros de l’information » pour l’ensemble de son travail de journaliste d’investigation.
Le Libéria occupe la 89e place du Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2018.