Novembre 2022 en Afrique. Tour d'horizon de la la liberté d'expression produit sur la base des rapports des membres de l'IFEX et des nouvelles de la région, par Reyhana Masters, rédactrice régionale de l'IFEX.
Ceci est une traduction de la version originale de l’article.
Cette année, le thème commun des messages des membres de l’IFEX sur le continent africain pour la Journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes contre les journalistes (IDEI) était la montée des attaques brutales contre les journalistes et la culture croissante de l’impunité.
Tout en soulignant qu’il y a eu plus de 15 incidents d’agressions physiques contre des journalistes et des professionnels des médias en Gambie au cours des cinq dernières années, la Gambia Press Union (GPU) a noté qu’aucun auteur n’a été poursuivi pour ces crimes.
[ Traduction : « Les victimes des graves crimes contre les journalistes de l’époque de la dictature, sous la forme de meurtres, de disparitions forcées et de tortures, n’ont pas encore vu justice », a déclaré le président du GPU, @msbahdynamic. ]
[ Au cours des 5 dernières années, plus de 15 incidents d’agressions physiques contre des journalistes et des professionnels des médias ont été perpétrés soit par la police, soit par des politiciens, y compris des partisans de @BarrowPresident et de l’opposition. Personne n’a été poursuivi. #FiniImpunité pour les crimes contre les journalistes]
Muhammed Bah, le président du GPU, a ajouté : « l’incapacité à traduire en justice les auteurs de crimes contre les journalistes a, pendant plusieurs décennies, perpétué un cycle de violence contre les journalistes ».
La Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) a préfacé sa déclaration de l’IDEI par un message aux membres des familles : « nos pensées de sincère compassion aux parents, amis et collègues des journalistes assassinés dans l’exercice de leurs fonctions ou pour leur travail, et nos souhaits de rétablissement complet à ceux qui ont survécu avec des pathologies traumatisantes. »
[ Traduction : Dans cette vidéo, @TheMFWA exprime sa compassion aux familles et aux collègues des journalistes qui ont été tués dans l’exercice de leurs fonctions ou pour leur travail. Nous appelons également les gouvernements d’#AfriqueOuest à retrouver et punir leurs meurtriers. #FinImpunité #JournalismPasUnCrime #IDEI2022 ]
MFWA a poursuivi en soulignant les attaques et les meurtres non résolus de journalistes à travers l’Afrique de l’Ouest, citant l’enlèvement d’Oliver Dubois au Mali, le meurtre de sept journalistes au Nigeria, de deux ressortissants espagnols au Burkina Faso et le meurtre d’Ahmed Hussein Suale au Ghana.
Ayode Longe, directeur exécutif de Media Rights Agenda (MRA) au Nigeria, a mis son gouvernement au défi « de citer toute attaque contre des journalistes ou des médias sur laquelle il a sérieusement enquêté et de partager avec le public les résultats de toute enquête de ce type, y compris les informations sur des personnes arrêtées et poursuivies pour cette infraction. Il a proposé que « les gouvernements à tous les niveaux remplissent leurs obligations d’assurer la sécurité des journalistes en enquêtant sur toutes les attaques contre les professionnels des médias ainsi qu’en poursuivant et en punissant les auteurs de ces attaques ».
Longe a déclaré que la surveillance de MRA a montré que la police était le principal auteur d’attaques contre des journalistes, et qu’« il était ironique que la police nigériane et d’autres agents chargés de l’application de la loi et de la sécurité sur lesquels les Nigérians devraient pouvoir compter pour protéger les journalistes et les médias contre les attaques des truands à la solde des politiciens, entre autres mauvais sujets, sont eux-mêmes les pires coupables ».
L’événement phare dans la région de l’Afrique australe a été la double commémoration de l’IDEI 2022 et du 10e anniversaire du Plan d’action des Nations Unies sur la sécurité des journalistes et la question de l’impunité, qui s’est tenue au Zimbabwe les 11 et 12 novembre. Des délégués venus. d’aussi loin que la Somalie ont assisté à l’événement, organisé par l’Institut des médias d’Afrique australe (MISA – Media Institute of Southern Africa), l’UNESCO et le gouvernement zimbabwéen.
[ Traduction : 1/2 #FinImpunity #IDEI22 #JournalismPasUnCrime @misazambia1 @NewMisa_Lesotho @BotswanaMisa
[ 2/2 #FinImpunity #IDEI22 #JournalismPasUnCrime ]
Dans son allocution d’ouverture, le père Barnabas Simatende, membre du Conseil régional de MISA, a déclaré que « le travail des professionnels des médias est de faire la lumière sur les zones sombres et de demander des comptes aux gens ». Par la suite, « de telles attaques contre des journalistes, qui restent souvent impunies, ne sont pas seulement un risque pour les journalistes mais aussi un risque pour les démocraties que nous nous efforçons de construire ».
Détérioration de l’environnement médiatique en RDC
Le rapport annuel effrayant publié, le 2 novembre 2022, par Journaliste en Danger (JED) en République démocratique du Congo reflète la détérioration de l’environnement médiatique dans le pays.
Le rapport a listé 124 cas d’abus envers les médias enregistrés sur l’année, une augmentation inquiétante par rapport aux 110 enregistrés en 2021. Cette tendance à la hausse inquiétante est cohérente avec les violations des médias rapportées par l’Institut international de la presse dans son rapport de septembre 2022, qui indiquait que sur les 47 attaques contre les médias documentées sur le continent, le plus grand nombre a été enregistré en RDC.
Cette situation est encore exacerbée par la recrudescence des attaques des rebelles, et comme l’a expliqué le secrétaire général de JED, Tshivis Tshivuadi : « Depuis la reprise des hostilités entre l’armée congolaise et les rebelles du M23 dans l’est du pays, les autorités n’ont pas caché leur volonté de museler des médias libres et indépendants, les accusant de faire le jeu de l’ennemi ».
Quelques jours avant l’IDEI, plus de 20 journalistes se sont refugiés sur la base militaire de la MONUSCO à Kiwanja (Mission des Nations unies au Congo) suite aux menaces du M23 de tuer des journalistes locaux. Quelques jours plus tard, les journalistes ont été évacués vers Goma, la capitale de la province du Nord-Kivu.
Le refus d’accréditation et l’expulsion subséquente de la journaliste française chevronnée Sonia Rolley début novembre par les autorités, est un autre exemple de la détérioration de l’environnement médiatique et de la situation sécuritaire risquée dans le pays.
[ Traduction : Dans un geste profondément inquiétant, les autorités de la #DRC ont expulsé la journaliste française courageuse et tenace @soniarolley, sur laquelle tant de Congolais et d’observateurs du #Congo se sont appuyé depuis des années pour des reportages crédibles et indépendants sur les droits humains, la politique et bien plus encore. #JournalismIsNotACrime @hrw ]
La correspondante de Radio France Internationale (RFI) a été « autorisée à entrer dans le pays avec un visa de courtoisie en septembre pour couvrir une conférence sur le climat » et « s’est vu promettre une accréditation en tant que cheffe de l’agence de presse Reuters en RDC ». Elle avait même « obtenu des confirmations écrites que son accréditation était en cours », selon Reporters sans frontières (RSF).
Après avoir répondu à une convocation de la Direction générale des migrations, Rolley a été informée que son visa avait été annulé. Après quoi elle a été conduite à l’aéroport, embarquée sur un vol en partance et a récupéré son passeport à son arrivée à Paris.
Human Rights Watch (HRW) rapporte qu’ « avant d’être embarquée sur un vol pour Paris, Rolley a appris qu’elle était expulsée en raison de son travail antérieur de journaliste ».
Le paradoxe du Forum sur la gouvernance de l’Internet
Le Forum sur la gouvernance de l’Internet (IGF) est un forum multipartite de dialogue sur les questions de politique publique liées aux éléments clés de la gouvernance de l’Internet. Depuis sa première réunion, en 2006, l’IGF est convoqué chaque année par le Secrétaire général des Nations Unies.
En tant que plate-forme de discussions, l’IGF vise à faciliter une compréhension commune de la manière d’amplifier les opportunités d’Internet et de faire face à ses risques et défis. Les discussions animées lors du forum de cette année, organisé à Addis-Abeba, en Éthiopie, ont été entachées par le fait que plus de six millions de personnes dans la province de Tigré sont coupées de la communauté des internautes depuis ces deux dernières années. Dans son mot d’introduction lors de l’ouverture officielle de l’IGF, le Premier ministre Abiy Ahmid n’a pas reconnu que son pays détient le record de la plus longue coupure d’Internet de l’Histoire.
AccessNow a utilisé le #IGF2022 comme plate-forme pour lancer sa pétition et faire pression sur l’Union africaine pour garantir que le gouvernement éthiopien rétablisse Internet dans la région du Tigré. Cependant, lorsqu’on lui a demandé une date à laquelle l’accès à Internet serait rétabli, le ministre éthiopien de l’Innovation et de la Technologie, Belete Molla, n’a pas voulu s’engager sur un calendrier. Sa réponse : « le gouvernement éthiopien est en train de concevoir un paquet de mesures qui ne concerne pas seulement la reprise d’Internet mais la reprise de tout, parce que c’est ce dont nous avons besoin en tant que peuple, en tant que gouvernement ».
En bref
- La journaliste d’investigation libérienne Bettie Johnson a été présélectionnée pour le Prix RSF pour l’indépendance, pour ses reportages incessants sur la corruption et pour avoir refusé d’accepter des offres lucratives destinées à la réduire au silence. Le journaliste malien Adama Dramé, qui a été contraint à l’exil pour son enquête inlassable sur la disparition du journaliste Birama Touré, a été présélectionné pour le Prix Impact. Les finalistes seront annoncés le 12 décembre.
- Des artistes africains et des défenseurs des droits humains se sont réunis virtuellement lors d’une réunion à huis clos de quatre jours intitulée « Liberté artistique en Afrique : défis et opportunités ». La réunion entre Artists at Risk Connection (ARC) de PEN America et le Southern African Human Rights Defenders Network (SouthernDefenders) a créé un espace pour évoquer « les artistes qui refusent, critiquent le statu quo ou explorent des thèmes considérés comme des tabous sociaux sont régulièrement ciblés et contraints de faire le choix impossible entre poursuivre leur travail en exil forcé ou garder le silence au sein de leurs propres communautés ».
- La journaliste basée au Rwanda Floriane Irangabiye est détenue depuis plus de deux mois dans son pays, le Burundi, sans avoir été formellement inculpée. Selon le CPJ, Irangabiye est commentatrice et animatrice d’émissions de débat sur Radio Igicaniro, un média basé au Rwanda qui publie des commentaires critiques et des débats sur la politique et la culture burundaises. Irangabiye a été arrêtée par des militaires à la mi-août alors qu’elle se rendait du Rwanda au Burundi pour rendre visite à sa famille. Le CPJ rapporte qu’« au moins un officier a agressé sexuellement Irangabiye alors qu’elle était détenue au quartier général du renseignement, en lui touchant les fesses et les seins ».
- Les défenseurs de la liberté des médias et les journalistes au Sénégal ont condamné l’arrestation, la détention et les poursuites qui en ont résulté contre le journaliste Pape Alé Niang, directeur du site d’information privé DakarMatin. Avec MFWA, ils appellent les autorités à libérer Niang et à abandonner toutes les charges retenues contre lui.
- Avant les élections de 2023 au Nigéria, le Centre de presse international (IPC) a organisé un programme de formation pour les femmes journalistes, afin qu’elles puissent « produire des reportages à grand impact, d’intérêt public et d’investigation sur le processus électoral ».