Depuis l'annonce des résultats contestés de l'élection présidentielle en Iran, les autorités iraniennes continuent leur censure de l'information et la répression des journalistes.
(RSF/IFEX) – Depuis l’annonce des résultats contestés de l’élection présidentielle en Iran, les autorités iraniennes continuent leur censure de l’information et la répression des journalistes. Depuis le 12 juin 2009, les mesures de censure et les arrestations de journalistes se sont multipliées. Les proches de Mahmoud Ahmadinejad continuent de faire pression sur les médias iraniens pour qu’ils ne relayent pas les informations sur les fraudes.
« Les sources d’informations indépendantes peuvent très difficilement se faire entendre aujourd’hui en Iran en raison de la censure. Les autorités assoient leur emprise sur tout support ou média qui pourrait contester la « victoire » », a déclaré l’organisation. Les autorités cherchent à tout prix à limiter la couverture médiatique des conséquences de cette élection frauduleuse.
Reporters sans frontières réitère son appel à la communauté internationale à ne pas reconnaître les résultats du premier tour de l’élection présidentielle iranienne du 12 juin. « Une élection démocratique suppose des médias libres d’observer le processus électoral et d’enquêter sur les fraudes. Aucune de ces deux conditions n’est aujourd’hui présente dans la supposée réélection de Mahmoud Ahmadinejad. Nous appelons solennellement la communauté internationale, particulièrement les pays européens, à ne pas reconnaître publiquement les résultats annoncés par les autorités tant que la censure s’applique au processus électoral. Une élection gagnée à coups d’arrestations de journalistes et de censure n’est pas démocratique », a affirmé l’organisation.
Censure des médias et d’Internet
Les services de sécurité ont investi les rédactions de journaux, lisant les articles et en censurant le contenu. Mehdi Karoubi, l’un des candidats, a confirmé cette censure dans un communiqué de presse : « Je ne peux même pas publier mes communiqués dans mon journal « Etemad Meli ». » Ainsi, en une du site, on peut voir une photo d’Ahmadinedjad lors d’un rassemblement. Des colonnes sont laissées vierges, en raison des coupes des censeurs ( voir: http://www.roozna.com/ ). Le journal « Velayat » dans la province Qazvin (au nord de Téhéran) a été suspendu suite à la publication d’une caricature d’Ahamadinejad.
Les sources d’information officielles sont également visées. Ainsi, quatre fonctionnaires du ministère de l’Intérieur ont été arrêtés pour avoir donné des résultats différents de ceux annoncés par les proches d’Ahmadinedjad.
Quatre des principales publications proches des réformateurs ont été fermées ou empêchées de critiquer les résultats officiels, suite à l’avertissement du procureur de Téhéran Said Mortazavi. Ainsi, le journal « Kalameh Sabaz », propriété du candidat Moussavi, a été empêché d’être distribué. Le quotidien a été obligé de changer sa une, qui donnait vainqueur le grand rival du Président sortant. Depuis le 13 juin, aucun numéro du journal n’a pu paraître.
Les autorités s’en sont largement prises à Internet, par le contrôle et le blocage de tous les sites d’informations susceptibles de contester la victoire de Mahmoud Ahmadinedjad. Une dizaine de sites Internet proches de l’opposition ont été censurés. C’est le cas de: http://www.entekhab.ir/ , inaccessible depuis le 11 juin, http://www.ayandenews.com/ depuis le 12 juin, http://teribon.com/ , les sites réformateurs http://khordadeno.com/ , http://aftabnews.ir/index.php , http://ghalamesabz.com/ , http://norooznews.ir (site d’informations d’un parti réformateur, le Parti de la participation islamique (pro-Moussavi)), et http://www.ghalamsima.com/ qui soutient la campagne de Moussavi. Et pour la vingtième fois, le site http://www.we-change.org/ animé par des cyberféministes a été bloqué.
Les sites YouTube et Facebook sont difficiles d’accès. Le réseau de téléphonie mobile est également brouillé. Le premier opérateur, contrôlé par l’Etat, a été suspendu le 13 juin 2009 à 22h00 (heure locale). Le réseau de SMS a été coupé dès le 12 juin au matin, ce qui empêche l’usage de Twitter.
Les médias étrangers visés
Quant aux médias étrangers, leur blocage s’est accéléré. En plus du filtrage du site de la BBC, les chaînes satellitaires en persan VOA et BBC, très populaires dans le pays, ont été partiellement brouillées dans le pays. La radio-télévision britannique a indiqué que ses émissions en persan étaient la cible d’un brouillage important « en provenance de l’Iran » depuis le 12 juin à 12h45 GMT et « s’est aggravé progressivement ».
Le 14 juin, les autorités ont fermé le bureau de la chaîne de télévision d’informations en arabe, Al-Arabiya, pour une semaine, suite à la diffusion, par la chaîne, d’images de la première manifestation suivant l’annonce de la réélection de Mahmoud Ahmadinedjad.
Les journalistes étrangers présents sur place se sont vus empêchés de couvrir les manifestations qui ont suivi l’annonce de la « victoire » d’Ahmadinedjad. Non seulement leurs visas n’ont pas été reconduits, mais ils ont été victimes de violences policières. Le collaborateur d’une équipe de la chaîne italienne RAI et un reporter de Reuters ont été frappés par des forces de l’ordre dans la capitale. Une équipe de la BBC a été menacée par la police, mais des manifestants ont réussi à faire fuir les forces de l’ordre. Les correspondants des chaînes allemandes ARD et ZDF ont reçu l’interdiction de sortir de leur hôtel le 13 juin. Deux journalistes néerlandais de la chaîne Nederland2 ont quant à eux été arrêtés et expulsés.
Par ailleurs, les journalistes étrangers se sont vus contraints de quitter le pays. Yolanda Alvarez, envoyée spéciale pour la chaîne de télévision espagnole TVE, a été expulsée d’Iran avec toute son équipe le 15 juin.
Des journalistes arrêtés
Depuis le 12 juin 2009, onze journalistes ont été arrêtés. Reza Alijani, lauréat du prix Reporters sans frontières-Fondation de France 2001, Hoda Sabaer et Taghi Rahmani ont été interpellés le 13 juin. Reza Alijani et Taghi Rahmani ont été libérés le 14 juin au soir. Ahmad Zeydabadi a subi le même sort, tout comme Kivan Samimi Behbani, journaliste indépendant et ex-directeur du mensuel indépendant « Nameh » (« La lettre ») suspendu en 2005.
Le journaliste Abdolreza Tajik a également été arrêté, le 14 juin, en milieu de journée au siège du journal « Farhikhtegan » par trois hommes en civil. Membre du Cercle des défenseurs des droits de l’homme, Abdolreza Tajik collaborait activement à plusieurs publications iraniennes, toutes suspendues par les autorités, telles que « Bahar » (suspendu en 2001), « Hambastegi » (suspendu en 2003) et « Shargh » (suspendu en 2008). A ce jour, cinq sont toujours détenus. Said Shariti, le responsable du site Nooroz, est aujourd’hui détenu par la police. Le 14 juin, Mahssa Amrabadi, la journaliste du quotidien « Etemad Melli », a été arrêtée à son domicile. Les agents du ministère des Renseignements avaient un mandat pour arrêter son mari, le journaliste Masoud Bastani. Ce dernier était alors absent.
Le 12 juin, deux femmes journalistes rattachées au QG de Mirhossein Moussavi ont été agressées. Le 13 juin, le centre d’informations du candidat a été saccagé par des partisans de Mahmoud Ahmadinejad qui ont notamment détruit les ordinateurs. C’est de ces bureaux que l’agence de presse Qalam News diffusait ses informations.
Par ailleurs, l’organisation est sans nouvelles d’une dizaine d’autres journalistes qui seraient détenus ou en fuite.