"La fermeture programmée de "Grenada Today" représente une mauvaise nouvelle pour le pluralisme des médias, et surtout un très mauvais précédent dans la résolution des litiges liés à des délits de presse", a déclaré RSF.
(RSF/IFEX) – A l’issue d’une longue procédure pour « diffamation » qui l’opposait à l’ancien Premier ministre Keith Mitchell, l’hebdomadaire « Grenada Today » devrait disparaître des kiosques faute d’accord financier avec le plaignant. La juge de la Haute Cour Claire Henry a ordonné, le 27 octobre 2009, la liquidation du journal, condamné à verser des dommages et intérêts exorbitants.
« La fermeture programmée de « Grenada Today » représente à la fois une mauvaise nouvelle pour le pluralisme des médias, et surtout un très mauvais précédent dans la résolution des litiges liés à des délits de presse. Indépendamment du fond, cette affaire souligne surtout le caractère disproportionné de certaines demandes de dommages et intérêts qui compromettent la survie des publications. Nous appelons à une réforme de la législation imposant des limites à de telles demandes financières. Nous espérons, malgré l’épuisement des recours juridictionnels, que « Grenada Today » sauvera son avenir par un ultime arrangement », a déclaré Reporters sans frontières.
Faute d’avoir pu revoir à la baisse les 71 000 $US de dommages et intérêts que sa direction doit verser à Keith Mitchell, « Grenada Today », l’un des cinq hebdomadaires du pays, devrait mettre prochainement la clé sous la porte. L’ancien Premier ministre, en fonction de 1995 à 2008, avait poursuivi le journal pour « diffamation » après la parution, en 2001, d’un courrier de lecteur jugé attentatoire à son honneur.
Le montant du dédommagement avait d’abord été fixé à 44 600 $US, avant d’être porté en appel à 71 000 en 2003. Le recouvrement de la somme, déclarée définitive, signe la liquidation de « Grenada Today » qui n’a pas obtenu d’arrangement de la partie adverse. Le directeur de publication de l’hebdomadaire, George Worne, aurait néanmoins reçu des propositions pour créer un nouveau journal.
Le cas de « Grenada Today » évoque directement ces affaires de « poursuites-bâillons » ou SLAPP (Strategic Lawsuit Against Public Participation), qui ont cours dans certains pays anglo-saxons. Cette procédure civile, en général engagée à l’appui d’une plainte pour « diffamation », consiste justement à demander des réparations ruineuses à l’acteur incriminé – média ou ONG – afin de l’obliger à se rétracter ou le faire disparaître. Reporters sans frontières soutient le principe de législation anti-SLAPP.