Octobre 2024 en Afrique. Un tour d'horizon de la liberté d'expression et de l'espace civique produit à partir des rapports des membres de l'IFEX et des nouvelles de la région, par Reyhana Masters, rédactrice régionale de l'IFEX.
Ceci est une traduction de la version originale de l’article.
Afrique de l’Ouest : un organisme nouvellement formé renforce la protection juridique
Pour répondre aux défis juridiques croissants auxquels sont confrontés les journalistes et les militants à travers l’Afrique de l’Ouest, la Fondation des médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) a lancé le Réseau ouest-africain des militants et des avocats de la défense des médias (WANAMDEL). Le réseau nouvellement créé, composé de 14 avocats de la défense de 11 pays d’Afrique de l’Ouest, se concentrera sur l’apport d’un soutien juridique aux personnes ayant ce besoin.
La cérémonie de lancement a eu lieu à Accra le 9 octobre et a réuni 13 avocats venus de pays tels que le Sénégal, le Togo, le Libéria, la Sierra Leone, le Nigéria, la Guinée, la Guinée-Bissau, la Côte d’Ivoire, le Bénin, la Gambie et le Ghana. MFWA s’engage à soutenir WANAMDEL en lui fournissant des ressources financières et matérielles, afin de garantir la capacité du réseau à mener des initiatives de défense juridique efficaces et coordonnées.
Niger : une nouvelle directive anéantit les droits
La publication d’une nouvelle directive, l’ordonnance n° 2024-43, par le Niger est sur le point d’éroder davantage les droits des citoyens avec la création d’un fichier automatisé contenant les données personnelles des individus soupçonnés de terrorisme. Les critères généraux de la directive sont déficients en matière de procédure et manquent de mécanismes de recours suffisants, ce qui constitue une grave menace pour les droits à la vie privée et la protection des données.
L’avocat nigérien Moussa Coulibaly conteste l’affirmation du ministre de la Justice et des Droits humains, Alio Dauda, selon laquelle l’ordonnance repose sur un cadre juridique solide. Il souligne que le faible niveau de qualité permet d’utiliser des informations non vérifiées pour inscrire une personne dans la base de données.
Les personnes susceptibles de se retrouver dans la base de données s’exposent à des conséquences graves, notamment des restrictions de voyage nationales et internationales, le gel de leurs avoirs et la perte potentielle de leur nationalité nigérienne.
Human Rights Watch souligne : « L’ordonnance ne fournit pas aux personnes ou entités inscrites sur la liste un mécanisme efficace pour contester leur inscription sur la liste ou obtenir réparation si elles y sont inscrites à tort. Elle n’exige pas de les informer avant qu’elles ne soient inscrites dans la base de données, ce qui les prive effectivement d’une véritable opportunité de contester leur inscription. »
Ouganda : les personnes LGBTQI+ contraintes de masquer leur présence en ligne
En octobre, Amnesty International a publié son rapport: « Tout le monde ici a deux vies ou deux téléphones », qui détaille l’escalade inquiétante des attaques contre la communauté LGBTQI+ en Ouganda après l’adoption, l’année dernière, de la loi antihomosexualité (AHA) 2023.
[ Traduction : La semaine dernière, le parlement ougandais a adopté un projet de loi visant à criminaliser l’homosexualité avec une peine de prison à vie. Attendez-vous à voir davantage de réactions négatives contre les homosexuels dans les pays en développement avec la montée de la théorie queer et de l’idéologie du genre dans la culture pop occidentale.
Les LGB paient toujours le prix des conneries TQ+. ]
La loi, qui se caractérise par une formulation vague et floue, renforce la discrimination car elle donne lieu à des récits qui « renforcent les stéréotypes des personnes LGBTQ, entraînant une détresse émotionnelle, une ostracisation sociale, des difficultés économiques et, dans certains cas, des violences physiques ».
Les résultats révèlent également que les cas de chantage sont en hausse « car les personnes LGBTQ risquent désormais d’être arrêtées et inculpées en vertu de dispositions draconiennes si elles résistent aux demandes des maîtres chanteurs, tout en étant dans l’impossibilité de solliciter l’aide des autorités chargées de l’application de la loi ou de toute autre institution. En fait, cette recherche a révélé que dans certains cas, les autorités policières et d’autres responsables de l’application de la loi se sont également livrées au chantage ».
Cela a forcé les personnes concernées à modifier leur présence et leur comportement en ligne, notamment en désactivant leurs comptes, en supprimant ou en censurant les publications et en se désabonnant des comptes qui partagent du contenu LGBTQI+, pour éviter d’être dénoncés.
Burkina Faso : les autorités reconnaissent la conscription forcée de journalistes
Quatre mois après la disparition de trois journalistes – Serge Oulon, Adama Bayala et Kalifara Séré – les autorités ont finalement admis qu’ils avaient été enrôlés dans l’armée. Le directeur général des droits humains au ministère de la Justice du Burkina Faso a partagé cette information le 24 octobre, lors de la 18e session de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) à Banjul.
[Traduction : Quatre mois après la disparition de trois journalistes burkinabés, les autorités ont annoncé qu’ils avaient été enrôlés de force dans l’armée. Les journalistes étaient connus pour être critiques envers le gouvernement.]
Séré a été le premier des trois à être porté disparu et cinq jours plus tard, le 24 juin, MFWA avait rapporté qu’Oulon aurait été enlevé par des individus prétendant être liés à l’Agence nationale de renseignement de Ouagadougou. Quatre jours plus tard, sa famille et ses collègues ont déclaré n’avoir eu aucune nouvelle de Bayala depuis qu’il avait quitté son bureau le 28 juin.
Le déclin continu de la liberté de la presse, la restriction de l’espace civique et les violations des droits humains ont été constatés par plusieurs organisations de défense des droits. En juin dernier, MFWA avait appelé le Burkina Faso à garantir un environnement médiatique plus démocratique. Début octobre, l’autorité de régulation des communications du pays avait interdit la rediffusion de programmes de radio étrangers jusqu’à nouvel ordre et suspendu la diffusion du média public américain Voice of America (VOA) pendant trois mois.
Des journalistes, des rédacteurs en chef et des organisations de défense des médias, dont Reporters sans frontières, demandent aux autorités de fournir davantage d’informations sur Séré, Oulon et Bayala, ainsi que sur le journaliste Alain Traoré, enlevé en juillet et dont on ignore toujours où il se trouve.
« Ces journalistes doivent être retrouver leurs familles sans plus attendre et avoir la liberté d’effectuer leur travail d’intérêt public, qui consiste à nous informer tous. »
Les élections au Mozambique symbolisent des défis électoraux
La période pré et post-électorale du Mozambique illustre de manière frappante les tendances inquiétantes observées sur tout le continent, où la lutte pour le pouvoir conduit à un rétrécissement de l’espace civique, à des atteintes aux libertés civiles et à la suppression des voix critiques.
Caractérisées par un faible taux de participation électorale, les élections du 9 octobre au Mozambique pour la désignation d’un nouveau président et l’élection des membres de l’Assemblée nationale et du gouvernement provincial se sont déroulées dans un contexte de harcèlement, de menaces, d’agressions physiques, d’arrestations et de détentions arbitraires de journalistes et de militants de la société civile.
Dans une lettre, le président de l’Institut des médias d’Afrique australe, Golden Maunganidze, a demandé à la Rapporteuse spéciale de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) sur la liberté d’expression et l’accès à l’information, la Commissaire Ourveena Gerveesha Topsy-Sonoo, « d’intervenir en demandant aux autorités mozambicaines de veiller à ce que les attaques contre les journalistes, le 21 octobre, fassent l’objet d’une enquête complète et transparente ».
Gambie : les responsables gouvernementaux invités à utiliser des mécanismes d’autorégulation
Le syndicat de la presse gambienne (GPU) a exprimé son inquiétude face à deux procès majeurs visant des médias.
Le président Adama Barrow poursuit The Voice pour un article affirmant qu’il avait choisi un successeur dans le cadre de sa stratégie de sortie. Musa Sheriff, le rédacteur en chef de The Voice, a été arrêté et accusé de « publication et diffusion de fausse information » à cause de cet article.
Parallèlement, la ministre gambienne de l’environnement Rohey John Manjang a intenté une action en diffamation contre le journaliste Kebba Ansu Manneh et le journal The Alkamba Times pour son article selon lequel elle et l’ancien gouverneur de la région du Lower River (LRR) étaient impliqués dans des transactions forestières illicites.
Inquiet de l’impact potentiel de ces actions en justice, le secrétaire général du GPU, Modou Joof, a demandé aux responsables du gouvernement, le président Barrow et la ministre Manjang, « d’abandonner les poursuites et de chercher réparation auprès du Conseil des médias de Gambie, un mécanisme indépendant d’autorégulation des médias gambiens, toutes les parties étant d’accord sur l’issue de la procédure afin de préserver la liberté de la presse et la capacité des journalistes à faire leur travail sans crainte des conséquences juridiques. »