RSF dénonce une sanction infondée et disproportionnée après la suspension de La Nouvelle Tribune, quotidien réputé proche de l'opposition, pour une série de propos jugés injurieux et outrageants à l'égard du chef de l'Etat.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 25 mai 2018.
Reporters sans frontières (RSF) dénonce une sanction infondée et disproportionnée après la suspension, mercredi 23 mai, de La Nouvelle Tribune, quotidien réputé proche de l’opposition, pour une série de propos jugés injurieux et outrageants à l’égard du chef de l’Etat.
“La Nouvelle Tribune, c’est fini. Au suivant”, indique ce jeudi 24 mai une caricature en une du journal. La veille, la Haute autorité de la communication et de l’audiovisuel (HAAC) du Bénin a décidé de suspendre le quotidien jusqu’à nouvel ordre pour s’être “engagé depuis plusieurs mois dans un régime injurieux, outrageant et attentatoire à la vie privée du chef de l’État sur la base d’un champ lexical dévalorisant.”
L’article 55 de la loi organique relative à la HAAC précise qu’une telle sanction ne peut être prise qu’en cas de manquements aux dispositions de cette même loi. Or, pour justifier sa décision, la HAAC s’appuie sur des dispositions du code de l’information et de la communication ainsi que du code de la déontologie de la presse béninoise, sur l’injure, l’outrage, le respect de la vie privée et de l’éthique. Et ces textes ne prévoient pas de mesure de suspension pour ce type d’infraction. Joint par Reporters sans frontières (RSF), Adam Boni Tessi, le président de la HAAC a refusé de commenter la décision prise par l’organe de régulation.
“La décision de la HAAC n’est pas fondée, estime Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF. Suspendre un journal sur la base de textes qui ne prévoient pas eux-mêmes cette sanction est une aberration. La sanction apparaît également totalement disproportionnée par rapport aux faits reprochés. Tant que la HAAC aura recours à des suspensions abusives de médias qui critiquent les autorités, elle apparaîtra comme un instrument aux mains du pouvoir.”
Dans un communiqué conjoint, l’Union des professionnels des médias du Bénin (UPMB) et le Conseil national du patronat de la presse et de l’audiovisuel (CNPA-Bénin) “s’interrogent sur les motivations réelles du président de la HAAC” estimant qu’il n’existe “pas d’arguments valables devant justifier la fermeture d’un espace de liberté”.
En décembre 2016, la HAAC avait ordonné la fermeture de quatre médias audiovisuels réputés proches de l’opposition. Depuis, trois d’entre eux ont pu rouvrir, mais Sikka TV qui appartient à Sébastien Ajavon, principal opposant au chef de l’État, est toujours privée d’antenne malgré une décision de justice de mai 2017 ordonnant sa réouverture. Adam Boni Tessi était déjà le président de la HAAC à l’époque. Il avait lui-même été condamné à une amende de 76 000 euros de dommages et intérêts.
Le Bénin (84e) a perdu six places dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2018.