"Ce nouveau texte présente de nouvelles dispositions très dangereuses pour l’exercice d’un journalisme libre, pluriel et indépendant à Maurice, dénonce RSF. Nous demandons au président de ne pas promulguer ce texte.”
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 1 décembre 2021.
Malgré la mobilisation des médias, les députés mauriciens ont approuvé la réforme de la loi sur l’autorité indépendante de l’audiovisuel, qui durcit la réglementation encadrant les radios privées. Reporters sans frontières (RSF) demande au président de ne pas promulguer ce texte, qui menace l’indépendance du journalisme dans le pays.
“Veillée mortuaire pour la liberté d’expression », titrait en une le quotidien mauricien L’Express ce mardi 30 novembre. Quelques heures plus tard, l’Assemblée nationale adoptait le projet de loi controversé “Independent Broadcasting Authority (Amendment) Bill”, du nom de l’organe de régulation de l’audiovisuel national. Le nouveau texte accorde aux autorités de vastes pouvoirs pour sanctionner les radios privées, très populaires sur l’île, et met en péril le secret des sources des journalistes.
Cette loi permet tout bonnement au directeur de l’Independent Broadcasting Authority (IBA) de demander l’autorisation du juge pour qu’un journaliste lui révèle ses sources dans le cadre de “l’exercice de ses pouvoirs réglementaires”, quels que soient les “enregistrements, documents ou objets demandés”. Le texte ne prévoit aucun garde-fou juridique pour encadrer cette pratique.
Elle durcit également les sanctions qu’encourent les journalistes devant les tribunaux, étend les pouvoirs de l’IBA et affaiblit un peu plus son indépendance. Un média qui dérogerait à ses obligations ou des journalistes qui refusent de révéler leurs sources encourent jusqu’à cinq ans de prison et 500 000 roupies d’amende (environ 10 000 euros), soit cinq fois le montant maximum en vigueur jusqu’à présent. Dans le même temps, les membres de l’IBA chargés de trancher les litiges en cas d’appel par le média visé seront désormais nommés par l’exécutif, et non par l’autorité elle-même, comme c’était le cas auparavant.
Enfin, les conditions d’octroi des licences ont été sévèrement durcies. Leur validité passe de trois à un an et leur montant a doublé. L’autorité de régulation, dont le directeur est nommé par le Premier ministre, pourra ainsi, tous les ans, renouveler ou non la licence des médias. Et ce, “en prenant en compte l’attitude du média sous sa précédente licence, afin de déterminer si elle doit être renouvelée”, précise le nouveau texte.
“Risque accentué d’atteinte au secret des sources, durcissement des sanctions et des conditions de renouvellement des licences, affaiblissement de l’indépendance de l’organe de régulation… Ce nouveau texte présente de nouvelles dispositions très dangereuses pour l’exercice d’un journalisme libre, pluriel et indépendant à Maurice, dénonce le responsable du bureau Afrique de RSF, Arnaud Froger. Nous demandons au président de ne pas promulguer ce texte.”
Maurice occupe la 61e place sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse 2021 établi par RSF.