Adoptés le 6 novembre dernier, des amendements à la loi sur l'information et les télécommunications (ICTA) renforcent fortement les sanctions prévues en cas d'abus sur internet.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 16 novembre 2018.
Adoptés le 6 novembre dernier, des amendements à la loi sur l’information et les télécommunications (ICTA) renforcent fortement les sanctions prévues en cas d’abus sur internet. Reporters sans frontières (RSF) condamne des modifications dangereuses à l’approche des élections législatives et appelle au réexamen de cette loi par l’Assemblée nationale de Maurice.
Désormais, à Maurice, un message « contrariant » peut entraîner, pour celui qui l’envoie ou le diffuse sur internet, des poursuites pouvant aboutir à une condamnation allant jusqu’à 10 ans de prison. À l’origine, la loi sur l’information et les télécommunications de 2001 (ICTA) ne mentionnait que les messages entraînant l’anxiété ou la détresse chez leurs destinataires, des pathologies pouvant être constatées à l’aide d’une évaluation psychologique. Mais pour « remettre de l’ordre » et lutter contre les « dérives » sur internet, Barlen Vyapoory, le président par intérim de Maurice, vient d’approuver des modifications qui ouvrent la possibilité pour tout individu de porter plainte et d’obtenir réparation pour une publication, un commentaire, un partage, et même un « j’aime » « dérangeant », « humiliant » ou « contrariant ».
Le caractère extrêmement vague et large de ces nouveaux motifs de poursuite est d’autant plus inquiétant que la peine maximale encourue pour l’ensemble des délits mentionnés a doublé, passant de cinq à dix années d’emprisonnement, alors même qu’il n’est plus nécessaire de démontrer l’intention de nuire pour établir le délit, cette mention ayant été supprimée.
« A un an des élections législatives, la critique de l’action gouvernementale sur internet risque d’exposer les journalistes qui exercent leur rôle de contre-pouvoir à une multiplication des poursuites voire à des peines extrêmement lourdes, estime Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF. Les députés mauriciens doivent réexaminer ce texte dont l’utilisation pourrait gravement porter atteinte à la liberté d’information. Ce durcissement législatif est également en totale contradiction avec les promesses faites en 2014 par le parti au pouvoir d’adopter une loi facilitant l’accès à l’information que les Mauriciens attendent toujours ».
Plusieurs journalistes et éditeurs Mauriciens ont souligné les risques liés à ces nouveaux amendements. Joint par RSF, Nad Sivaramen, directeur de publication du journal mauricien L’Express, a qualifié de « suspecte » la volonté de surveiller les réseaux sociaux dans ce contexte pré-électoral. Rabin Bhujun, rédacteur en chef du site d’information Ion.news, s’inquiète quant à lui de la possible instrumentalisation de cette loi par des « personnes influentes » pour en faire « un outil d’intimidation ou de harcèlement », exposant les personnes dénoncées à « des arrestation et de longs interrogatoires ».
Maurice occupe la 56ème place dans le Classement mondial de la liberté de la presse 2018 établi par RSF.