Les menaces proférées à l'encontre de Frederica Jansz interviennent après son interview, en 2009, avec Sarath Fonseka, ancien général de l'armée et candidat à la Présidence.
(RSF/IFEX) – Le 2 novembre 2011 – Suite aux menaces de mort proférées, le 27 octobre 2011, à l’encontre de Frederica Jansz, rédactrice en chef du « Sunday Leader », Reporters sans frontières appelle, dans une lettre ouverte, le Président de la République démocratique socialiste du Sri Lanka, Mahinda Rajapaksa, à prendre des mesures pour garantir la sécurité de la journaliste et arrêter les auteurs des menaces.
La journaliste du « Sunday Leader », qui a déjà fait l’objet de menaces dans le passé, avait interviewé, en 2009, Sarath Fonseka, ancien général de l’armée et candidat à la Présidence du Sri Lanka en 2010. Au cours de l’interview, ce dernier avait affirmé que l’actuel ministre de la Défense, Nandasena Gotabhaya Rajapaksa, était directement impliqué dans le meurtre de plusieurs combattants des membres des Tigres tamouls.
Monsieur Mahinda Rajapaksa,
Président de la République démocratique socialiste du Sri Lanka,
Temple Trees
Colombo 3, Sri Lanka
Monsieur le Président,
Reporters sans frontières, organisation internationale de défense de la liberté de l’information, souhaite vous faire part de son inquiétude quant aux menaces de mort proférées la semaine dernière à l’encontre de Frederica Jansz, rédactrice en chef de The Sunday Leader.
Le 27 octobre 2011, Frederica Jansz a reçu à son domicile une lettre anonyme manuscrite, dans laquelle le « Sinha regiment » lui reproche son implication dans le procès « White Flag », dont le verdict doit être rendu le 18 novembre prochain. Frederica Jansz est considérée comme un témoin clé dans ce procès, en raison de ses écrits publiés dans son journal le 13 décembre 2009. La Une du Sunday Leader de ce jour relatait un témoignage du Général Sarath Fonseka, interrogé par Federica Jansz, affirmant que le secrétaire à la défense M. Gotabhaya Rajapaksa avait donné l’ordre d’éliminer trois membres des Tigres tamouls (LTTE) qui désiraient se rendre. Ce témoignage a été perçu par nombre d’officiers comme une trahison à leur égard. M. Fonseka, qui a, par la suite, déclaré que ses propos avaient été sortis de leur contexte, est accusé de déclaration mensongère dans le procès « White Flag ».
Le « Sinha regiment », qui menace Frederica Jansz, est le nom d’une brigade que dirigeait M. Fonseka, du temps où celui-ci était chef de l’armée. Ce « regiment » reproche à Frederica Jansz d’avoir apporté de fausses preuves à la justice.
Ce n’est pas la première fois que Frederica Jansz fait l’objet de telles menaces, les premières lui étant parvenues peu de temps après qu’elle a fourni ces preuves. Les journalistes du Sunday Leader sont aussi régulièrement victimes d’intimidations en tout genre. Nous vous rappelons que l’assassinat, en janvier 2009, de l’ancien directeur du journal Lasantha Wickrematunga, n’a fait l’objet d’aucune enquête approfondie.
Frederica Jansz a porté plainte auprès de la police après la réception de cette lettre. Pour l’heure, elle ne bénéficie d’aucune protection. A l’approche du verdict, nous sommes vivement préoccupés par sa sécurité pour les jours et semaines à venir.
Par ailleurs, ainsi qu’en témoigne la situation précaire du Sunday Leader, plus de deux ans après la victoire de l’armée sur les Tigres tamouls et la fin de la guerre civile, la liberté et le pluralisme de la presse ne se sont pas améliorés au Sri Lanka. Le président et le manager général du réseau de la chaîne de télévision TNL, Shan Wickremesinghe et Sudath Jayasundara, ont été menacés de mort par des individus ayant d’étroites connexions avec votre gouvernement. Nous sommes inquiets pour la sécurité des journalistes sri lankais qui, pris en tenaille entre les différentes forces, politiques et autres, que compte votre pays, exercent leurs activités dans un contexte de plus en plus délicat.
Ainsi, nous vous prions urgemment de lancer de sérieuses investigations sur ces menaces et de prendre toutes les mesures nécessaires pour y mettre fin. Frederica Jansz, de même que l’ensemble des journalistes menacés qui le souhaitent, doivent pouvoir bénéficier d’une protection sérieuse de la part de l’Etat sri lankais.
En vous remerciant de l’attention que vous prêterez à cette lettre, je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma très haute considération.
Jean-François Julliard
Secrétaire général de Reporters sans frontières