RSF dénonce les nouvelles formes de censure et les multiples entraves imposées par les autorités pour contrarier le travail des journalistes.
(RSF/IFEX) – Le 30 décembre 2010 – Reporters sans frontières dénonce les nouvelles formes de censure et les multiples entraves imposées par les autorités de Colombo pour contrarier le travail des journalistes.
L’organisation se félicite de la baisse du nombre d’agressions, de menaces de mort et d’emprisonnements en 2010. Reporters sans frontières constate que les autorités continuent d’empêcher la presse de jouir d’une réelle liberté éditoriale, déjà appauvrie par l’exil d’au moins 55 journalistes, notamment de nombreux militants de la liberté de la presse, au cours des trois dernières années.
Nous attendons des autorités de Colombo qu’elles créent en 2011 les conditions nécessaires à l’amélioration durable de la liberté de la presse. Cela doit commencer par la résolution de deux affaires : l’assassinat de Lasantha Wickrematunge, célèbre directeur du Sunday Leader, il y a bientôt deux ans ; et la disparition du caricaturiste politique Prageeth Ekneligoda en janvier 2010.
Dernier incident en date, l’interdiction faite, le 30 décembre 2010, à une dizaine de journalistes sri lankais et étrangers, dont le correspondant de la BBC, de se rendre dans le camp de détention de Boosa pour assister à la rencontre entre des prisonniers et la Lessons Learnt and Reconciliation Commission (LLRC, créée par les autorités). Les reporters disposaient pourtant de l’autorisation de la LLRC et du Media Center for National Security. Selon plusieurs organisations de défense des droits de l’homme, des cas de torture et de disparition extrajudiciaire ont été recensés dans ce camp qui accueille plus de 700 détenus suspectés d’appartenir aux Tigres tamouls.
En septembre dernier, les journalistes de la BBC avaient déjà été empêchés d’assister à plusieurs séances d’entretiens entre des populations tamoules et la LLRC, notamment à Killinochchi et Mullaitivu. En revanche, en août, des journalistes de la BBC avaient pu couvrir les travaux de la commission dans le nord de l’île. A l’époque, le quotidien tamoul Thinakural ou l’hebdomadaire anglophone Sunday Times avaient publié des témoignages accablants sur des cas de disparitions forcées de tamouls à la fin de la guerre.
Généralement, les autorités ne fournissent aucune information précise aux médias sur le problème des prisonniers de guerre Tigres tamouls. Les chiffres varient selon les ministres. Et la presse n’a pas accès à plusieurs camps de détenus.
Les journalistes ont peur ou ne sont pas autorisés par leur direction de couvrir la question des crimes de guerre. Comme le fait remarquer un militant de la liberté de la presse à Colombo : « Plusieurs journalistes des médias en cingalais ont été autorisés à suivre les travaux de la LLRC, mais leurs articles ne retranscrivent pas les témoignages les plus durs sur la fin de la guerre. Ils s’autocensurent sur la question des crimes de guerre. »
Autre exemple, peu de médias sri lankais ont rapporté un incident survenu récent à Jaffna : l’assassinat d’un fonctionnaire du ministère de l’Education après qu’il a critiqué la décision gouvernementale d’obliger les enfants tamouls à chanter l’hymne national en cingalais.
L’un des rares titres à traiter des sujets les plus sensibles, The Sunday Leader, est l’objet de multiples pressions. Ainsi sa rédactrice en chef Frederica Jansz doit affronter une plainte déposée par Gotabhaya Rajapaksa, l’un des frères du chef ce l’Etat.
En 2010 également, le principal opérateur de téléphone Dialog a refusé de diffuser par SMS à ses clients des informations contraires à la ligne gouvernementale. Selon un journaliste de Colombo, cette décision a contraint plusieurs sites d’informations à s’autocensurer pour pouvoir être relayés par Dialog. Une situation dénoncée par JNW News qui fournit du contenu informatif pour des opérateurs de téléphone mobile.
Les actes de violences n’ont pas complètement disparu. Récemment, des reporters de la chaîne MTV / Sirasa et du site Lankaenews ont été agressés par des partisans du parti au pouvoir à l’aéroport de Colombo. Ils couvraient le retour du dirigeant du parti d’extrême gauche NSSP. De même, mi-octobre, quatre reporters, dont un photographe du Daily Mirror, avaient été frappés par la police alors qu’ils couvraient une manifestation d’étudiants dans la capitale.