Alors que le journaliste était en présence de militaires peu avant sa disparition, RSF demande aux autorités de faire toute la lumière sur cette affaire.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 17 avril 2020.
Reporters sans frontières (RSF) est extrêmement préoccupée par le sort d’un reporter dont les proches sont sans nouvelles depuis le 7 avril dans une province du nord du pays en proie à une insurrection. Alors que le journaliste était en présence de militaires peu avant sa disparition, RSF demande aux autorités de faire toute la lumière sur cette affaire.
Cela fait dix jours que Ibraimo Abu Mbaruco n’a donné aucun signe de vie à ses proches. Le journaliste et présentateur de la radio communautaire de Palma, village situé dans la province de Cabo Delgado dans le nord-est du Mozambique, a disparu le 7 avril dernier alors qu’il rejoignait son domicile. Dans son dernier message, envoyé à l’un de ses collègues contacté par RSF, le journaliste indique qu’il était “entouré de soldats”. MISA-Mozambique, une organisation locale de défense de la liberté de la presse, révèle dans une enquête menée sur place que le journaliste a été enlevé par les forces armées. Une source anonyme parmi les forces de sécurité précise qu’il aurait été transporté dans la ville de Mueda, un peu plus au sud, où les militaires disposent de salles pour les interrogatoires. Selon le très sérieux site d’informations Zitamar News, plusieurs personnes auraient été enlevées par les forces de sécurité le jour de la disparition du journaliste.
Les membres de sa famille ont aussitôt alerté les autorités locales. Une plainte a également été déposée le 14 avril auprès du procureur provincial. La police de Palma a rapporté que toutes les forces de sécurité étaient mobilisées pour tenter de localiser le journaliste, précisant qu’il n’était pas détenu à la prison locale et qu’elle ne disposait pas d’information faisant état de sa mort, comme le craint sa famille. Ni l’armée, ni les autorités politiques n’ont pour l’instant réagi à cette inquiétante disparition.
Les violences ont repris de plus belle ces dernières semaines dans la province en proie à une insurrection islamiste depuis 2007. Les combats avec l’armée ont fait plusieurs centaines de morts et les autorités empêchent par tous les moyens les journalistes de se rendre sur place pour rendre compte de la situation.
“Les informations récoltées jusqu’à présent indiquent que des militaires ont été témoins et peut-être impliqués dans la disparition de ce journaliste, déclare Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF. Le silence des plus hautes autorités est extrêmement préoccupant et nous craignons que ce journaliste subisse le même sort que certains de ses confrères récemment détenus au secret pendant de longs mois parce qu’ils couvraient les violences qui secouent le nord du Mozambique. Il est indispensable que les autorités militaires et politiques du pays fassent toute la lumière sur cette affaire et que le journaliste recouvre la liberté s’il est effectivement retenu. Transformer cette province déjà ravagée par les violences en trou noir de l’information ne permettra pas de mettre fin à cette insurrection”.
Rares sont les journalistes qui osent désormais s’aventurer dans cette région depuis que deux reporters locaux de la radio et télévision Nacedje de Macomia, Amade Abubacar et Germano Daniela Adriano ont été détenus par l’armée pendant plusieurs mois en dehors de toute procédure légale début 2019. Libérés il y a un an, ils restent poursuivis pour diffusion de messages “portant atteinte aux forces armées du Mozambique”.
Ce mardi, le journaliste Izidine Acha de la chaîne privée STV a été arrêté alors qu’il couvrait une opération de police à Pemba, le chef-lieu de Cabo Delgado. Libéré quelques heures plus tard, il a été contraint d’effacer ses images et sommé de ne rien révéler de son arrestation.
Le verrouillage de l’information et les arrestations arbitraires de journalistes dans cette région expliquent en grande partie la chute du Mozambique qui a perdu 18 places depuis 2015 au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF. Le pays est classé 103e sur 180 en 2019.