“En plus d’être totalement arbitraire, la détention de ce journaliste est devenue dangereuse pour sa santé, déplore RSF. Luka Binniyat n’a rien à faire en prison. Si les accusations dont il fait l’objet étaient sérieuses, il aurait été jugé depuis longtemps. Il doit être libéré.”
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 26 janvier 2022.
Reporters sans frontières (RSF) dénonce la persécution contre le journaliste nigérian, maintenu en détention depuis plus de 80 jours et en attente d’un procès qui ne cesse d’être reporté malgré son état de santé dégradé.
Alors que son état de santé se détériore de jour en jour, l’horizon d’un jugement demeure toujours aussi incertain pour Luka Binniyat. Arrêté le 4 novembre dernier à la suite d’un article dans lequel il dénonçait le laxisme du gouvernement de l’Etat de Kaduna (centre) face aux massacres de chrétiens dans le sud de la région, le journaliste d’Epoch Times, un quotidien international conservateur basé aux Etats-Unis, est emprisonné depuis maintenant près de trois mois et n’a toujours pas été jugé. Accusé de “cybercriminalité”, le journaliste voit ses audiences sans cesse repoussées, tantôt parce que le juge ne s’y présente pas, tantôt parce que la décision “n’est pas prête”… Depuis le 6 décembre 2021, ce sont ainsi trois audiences qui ont été reportées. La prochaine devrait avoir lieu demain, jeudi 27 janvier.
“En plus d’être totalement arbitraire, la détention de ce journaliste est devenue dangereuse pour sa santé, déplore le responsable du bureau Afrique de RSF, Arnaud Froger. Luka Binniyat n’a rien à faire en prison. Si les accusations dont il fait l’objet étaient sérieuses, il aurait été jugé depuis longtemps. Il doit être libéré.”
A l’origine de l’affaire, une plainte déposée par le commissaire à la sécurité intérieure et aux affaires intérieures de l’État de Kaduna après que le journaliste a cité dans son article un sénateur local accusant ce commissaire d’être impliqué dans les massacres de chrétiens. Or, selon le fils du journaliste, deux jours avant son arrestation, lors d’une confrontation qui a failli dégénérer en bagarre, le commissaire avait menacé Luka Binniyat de l’humilier et de l’emprisonner. En outre, les enquêtes du journaliste sur les exactions commises ces dernières années dans cette région sont peu appréciées des autorités locales.
Selon les informations recueillies par RSF auprès de sa famille, l’état de santé de Luka Binniyat devient inquiétant : le journaliste souffre d’une maladie affectant ses articulations et son genou qui s’est aggravée depuis son incarcération et l’oblige désormais à se déplacer à l’aide de béquilles.
Dans le pays le plus dangereux d’Afrique de l’Ouest pour les journalistes, ceux-ci sont très fréquemment la cible de menaces et d’intimidations, en particulier en ce qui concerne la couverture des massacres communautaires perpétrés dans l’Etat de Kaduna, sur lesquels ils sont de moins en moins nombreux à communiquer. D’après le Nigerian Union of Journalist (NUJ), au moins 120 journalistes ont été détenus en 2021. Certains ont même été contraints de s’exiler pour fuir la répression et les pressions, comme l’a déjà documenté RSF.
Le Nigeria occupe la 120e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2021.