La Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) condamne fermement le meurtre horrible de Deborah Samuel accusée de blasphème et demande à ce qu’une enquête approfondie sur l’incident soit faite et que justice soit rendue.
Cet article a été initialement publié sur mfwa.org le 15 mai 2022
La Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) condamne fermement le meurtre horrible de Deborah Samuel accusée de blasphème et demande à ce qu’une enquête approfondie sur l’incident soit faite et que justice soit rendue.
Le 12 mai 2022, Deborah a été lynchée par ses camarades de l’établissement d’enseignement supérieur Shehu Shagari dans l’Etat de Sokoto, situé au Nord-Ouest du Nigéria. Ce jour-là, elle aurait manifesté son mécontentement face à ce qu’elle considérait comme une avalanche de messages à caractère religieux dans un groupe WhatsApp universitaire. Elle aurait également fait un commentaire critique envers le prophète Mahomet que certains de ses camarades musulmans ont jugé blasphématoire.
La déclaration présumément blasphématoire a été reprise et déformée au fur et à mesure qu’elle était transmise de bouche à oreille. En peu de temps, un mouvement de rage et d’hystérie s’est créé autour du message WhatsApp, avec des centaines d’étudiants musulmans réclamant son sang. Après quelques accrochages initiaux, l’administration de l’école a mis Deborah en lieu sûr et a fait appel aux forces de l’ordre pour parer à l’attaque. Cependant, la situation s’est envenimée et les forces de l’ordre ont été maitrisées par les étudiants déchainés qui leur ont arraché leur cible pour ensuite la lyncher.
L’incident a été largement condamnée par des particuliers et des organisations du Nigéria et du monde entier.
Le même jour, le conseil du sultanat de Sokoto, l’autorité traditionnelle de l’Etat, a émis un communiqué, condamnant le meurtre.
« Le conseil du sultanat a condamné l’incident et a exhorté les agences de sécurité à traduire en justice les auteurs de cet acte injustifiable », peut-on lire dans le communiqué du conseil.
C’est la deuxième fois en deux mois que la question du blasphème empoisonne l’environnement de la liberté d’expression au Nigeria.
Le 5 avril 2022, un militant, Mubarak Bala, a été condamné à 24 ans de prison pour blasphème. Avant cette condamnation, Mubarak, qui était le président du groupe de la société civile Humanist Association of Nigeria, avait été détenu pendant deux ans pour le même chef d’accusation.
Bien que nous défendions le respect des sensibilités religieuses des gens et de leurs institutions et entités sacrées, nous déplorons la réaction extrémiste et meurtrière dans cette affaire. Le Nigeria est une démocratie constitutionnelle régie par l’État de droit. Par conséquent, le pouvoir d’interpréter une déclaration comme étant blasphématoire et de recourir ensuite à la justice populaire, ne revient pas aux particuliers. Il s’agit d’un acte d’intolérance extrême qui menace la liberté d’expression et risque de transformer tout débat intellectuel sur la religion en champ de mines.
Nous demandons instamment aux autorités nigérianes de veiller à ce que les assassins de Deborah soient traduits en justice. Nous appelons les chefs religieux, les acteurs politiques, les institutions d’éducation civique, les écoles et les organisations de la société civile au Nigeria à se lancer dans une campagne robuste de déradicalisation de la jeunesse nigériane et à promouvoir la tolérance et le dialogue interreligieux.